Benoît Raphaël

Le Best-Of de "Demain tous journalistes?"

13 Juillet 2010 , Rédigé par Benoit Raphaël Publié dans #Demain tous journalistes, #Etats Généraux de la Presse Ecrite, #Google NewsRoom, #Info en réseau, #Internet, #Journaux, #Média participatif, #Twitter, #analyses

Changer de blog, ce n'est pas anodin. C'est une page qui se tourne, pas un livre qui se ferme. C'est surtout une nouvelle époque qui s'ouvre pour la presse, pour moi également. Et donc pour ce blog, sacré "meilleur blog média 2009" par le jury du magazine Challenges, démarré en septembre 2005 sur une plateforme aujourd'hui disparue (il s'appelait alors "Numéro 2"), avant une migration chez Blogger sous le nom de "Demain Tous Journalistes?".

Aujourd'hui (mercredi 14) sur benoitraphael.com, grâce à mes amis d'Owni. Pendant 5 ans, ce blog m'a servi à construire ma pensée, mais il a aussi accompagné ma pratique. Car j'ai toujours refusé de commenter sans essayer, sans faire, sans construire. Je me suis parfois planté, mais j'ai eu aussi raison.

Mais, peu importe, l'important, c'est que je me suis adapté, dans un monde en perpétuelle révolution.

Voici donc une petite sélection de mes billets clefs, sous forme de citations... depuis 2005 !

Septembre 2005 (redaté janvier 2006):

"Notre problème à nous, journalistes, n'est pas de savoir comment nous pouvons sauver notre métier ou nos supports. Mais de nous interroger sur cette matière vivante qu'est devenue l'info et d'essayer de comprendre comment nous pouvons l'aborder, l'enrichir et même la stimuler. Car si notre rôle n'est plus d'informer il est encore de traiter, de décrypter, de donner à réfléchir, à savoir... et à s'émouvoir."

Janvier 2006:

"La question que nous devons nous poser aujourd'hui, nous médias, n'est pas: comment mieux éclairer le bon peuple des lecteurs. Mais plutôt : en quoi sommes nous utiles ? On a coutume de dire que la première question à se poser dans une entreprise c'est : "what is your business ?" Je pense qu'il faut d'abord nous interroger sur notre utilité. Informer ? Certes. Mais en quoi l'information que nous publions est-elle utile ? Eclairer ? Peut-être. Mais en quoi notre éclairage est-il plus utile que celui d'autres spécialistes ? En quoi sommes nous utiles ? Nous rendons service ? Ok. Lequel ? Publier des informations services repiquées sur les sites institutionnels ? Publier des conseils pratiques dont l'amateurisme n'échappe pas aux spécialistes ? Qu'est-ce que rendre service pour un journal ? Voilà une bonne question à se poser."

Janvier 2006, sur le gratuit/payant:

"On peut s' inspirer du modèle d'iTunes, oui, à condition d'inventer d'autres produits informatifs que ceux que nous connaissons actuellement. En s'intéressant, comme je le disais, à l'usage de l'info plus qu'au contenu. Sinon on sera toujours confronté à la ccontradiction gratuit/payant. Le contenu attire, mais existe en général gratuitement partout (pour l'info grand public, en tout cas). L'usage, lui, peut se monnayer à un certain degré d'intérêt."

Mai 2006, sur le nomadisme de l'info:

"Le problème n'est pas de savoir aujourd'hui s'ils devront diffuser leur contenu plutôt sur téléphone portable, sur l'écran du PC, du GPS ou sur papier électronique. En fait, ils n'auront plus à réfléchir en terme de portail internet ou mobile, de site web, de plateforme ou de fil d'infos sms, mais de simplement rendre accessible leur contenu sur le réseau. Après, l'utilisateur récupèrera ce contenu (article, post, podcast, etc) où il voudra et comment il le voudra. Ce qui veut dire qu'il n'y aura sans doute plus de média (média télé, média web, média mobile...), mais des contenus disponibles à la demande et des "médias personnels"."

Juin 2006, sur les pistes pour la presse écrite:

"L'avenir est aux producteurs de contenu et aux portails internet agrégeant plusieurs producteurs de contenu. Les journaux doivent s'occuper de leur communauté."

Aout 2006, sur la mort de la presse papier :

"Le business model du papier n'a mathématiquement pas d'avenir, mais le papier en a encore un, jusqu'à nouvel ordre, parce qu'il contribue à asseoir la marque. Ceux qui affirment le contraire sont des "madame Soleil", pas des stratèges. Et même si, au bout du compte, le support papier n'avait pas d'avenir, où est le problème ? C'est un débat de marchands de papier, pas de patrons de presse. Sony, qui venait d'inventer le walkman cassette, n'a pas vécu l'arrivée du disque laser comme le glas de sa profession. Au contraire. Mais l'industrie électronique est organisée autour du changement. Pas la presse. C'est là que le bât blesse. Et tue, parfois... (...) La presse aujourd'hui, surtout la presse locale, c'est d'abord une communauté, une marque. (...) C'est sur cette base ancestrale que repose le vrai modèle économique de la presse de demain : la communauté. Pas sur la seule vente de contenus d'information, qui ne dégage pour l'instant aucun business model prometteur."

Septembre 2006, sur l'ennemi Google (déjà...):

"Plutôt que de s'inventer des ennemis imaginaires, la presse francophone ferait bien de travailler à sa mutation. Je veux dire : de travailler réellement à sa mutation. C'est à dire à sa nouvelle identité."

Décembre 2006, sur la presse locale:

"Comment prendre en compte toute la dimension d'Internet et générer des contenus spécifiques sans débourser des millions ? 1) En résolvant le problème de la masse critique d'infos locales gratuites adaptées au lectorat du Net : breaking news envoyées par une rédaction intégrée mais aussi par les correspondants locaux, création d'une véritable base de données locales associée à un moteur de recherche, et recrutement de blogueurs, nouveaux correspondants locaux du Web. 2) En organisant, encore une fois, la participation des internautes à l'info locale. Il ne suffit pas d'ouvrir les vannes. Il faut animer."

Décembre 2006, sur la difficulté des dinosaures face à leur nécessaire révolution:

"Il me semble plus intéressant, dans ce contexte très critique, plutôt que de placer d'emblée les journaux face un lâcher prise industriel autant nécessaire que terrifiant, de militer pour la mise en place de produits éditoriaux nouveaux. Hors des créneaux habituels de la presse papier."

Janvier 2007, sur le média qui doit devenir "social":

"Je ne vais pas sur le site uniquement pour récupérer de l'info, mais aussi pour rencontrer des gens. C'est une des clefs des modèles économiques de demain pour la presse locale en ligne : ceux de la communauté et des bases de données."

Mai 2007, sur le journaliste du futur (2009!!):

"Le journaliste de 2009 (et d'aujourd'hui...) devra être capable de conduire les conversations, d'animer les communautés réelles et virtuelles, mais aussi mettre en scène et éditer les contenus extérieurs. L'appellation "média participatif" ne doit plus être un déclaratif. Elle devra définir demain le process naturel d'animation et de fabrication de l'information dans tous les médias où les journalistes travailleront aux côtés de l'audience."

Août 2007, sur les bases de données (dont tout le monde parle aujourd'hui), vues comme l'avenir du journalisme :

"Lourdes et éphémères sur le papier, les bases de données sont devenues un vrai métier à prendre en compte dans la constitution des nouveaux médias. Elles sont utiles, souvent hyperlocales (ce qui est un bon angle d'attaque local pour un média national), et sont une garantie d'audience sur le long terme. Mieux, elles se prêtent admirablement à la participation de l'audience."

Novembre 2007, sur la participation populaire. Une petite claque à de grosses idées reçues... :

"La participation, ce n'est pas forcément le "journalisme citoyen", les anonymes devenus journalistes. Mais plutôt une explosion des sources et des modes d'information pour rendre l'info plus vivante, plus proche de la réalité et du quotidien de l'audience."

Janvier 2008, sur la mutation de l'ADN de l'information et donc du journalisme:

"L'ADN de l'information a changé. Donc l'ADN des journalistes doit changer. Ses frontières, son rythme, sa construction... tout a été profondément modifié. Il faudra donc inventer de nouveaux process de fabrication de l'information qui tiennent compte de ces mutations."

Mais aussi:

"Personne ne s'attend à ce que les internautes deviennent journalistes, on espère plutôt qu'ils aident les journalistes à mieux faire leur travail".

Mars 2008, sur la nomadisation de l'info:

"Aux débuts de la fragmentation de l'info, il était coutume de conseiller aux médias de passer du simple site traditionnel à la maîtrise des points d'engorgement (des points de passage des lecteurs sur telle ou telle thématique). A l'ère du portail et des sites univers (locaux ou thématiques), on rassemblait alors l'info fragmentée en chaînes pour créer des noeuds de concentration de trafic. (...) Aujourd'hui, la question n'est plus tant de façonner ces points d'engorgement que de parvenir à placer l'info sur les trajectoires de plus en plus aléatoires du lecteur. Et, surtout, d'embarquer le plus de valeurs possibles (infos, marque, pub...) sur ces micro-contenus. Il faut, en quelque sorte, passer du carrefour d'infos au "canon à infos". Et maintenir ce lien, en permanence, avec ceux qui nous lisent. Dans cette stratégie là, demain, le mobile (mais pas seulement) sera évidemment un outil incontournable."

Mars 2008, sur le journalisme participatif:

"La participation n'a rien de nouveau. De tous temps, les non-journalistes ont participé à l'info. Créant même leurs propres médias (on l'a vu avec les radios libres). Internet, qui n'est pas un média, mais une mécanique, a rendu cette dynamique de partage des données plus spontanée et plus libre. (...) A terme, tous les médias sur le Net intègreront une dimension participative."

Juillet 2008, sur le modèle polonais... et sur l'agilité:

"La question n'est pas de savoir si les rédactions doivent être intégrées ou pas. Ce sont des débats de transition. L'objectif aujourd'hui est de travailler souplement à des organisations cohérentes en fonction de chaque nouveau projet."

Octobre 2008, sur l'info en réseau:

"Couvrir un événement, ce n'est pas juste écrire son propre reportage ou analyse sur le sujet. Les infos sont des infos en réseau. Si vous considérez que le journalisme c'est "donner la meilleure info au meilleur moment", alors vous devez aider vos lecteurs à accéder aux meilleurs ressources publiées sur le sujet sur le Net, au moment où elles sont mises en ligne..."

Octobre 2008, en anglais... :

"A new journalism appears on the web, but not necessarily with a single and huge newsroom (outsourcing rise), and not necessarily with journalists..."

Octobre 2008, ma contribution aux Etats-Généraux de la Presse Ecrite:

"C'est une nouvelle architecture de l'information que nous devons construire, en ne jetant pas le papier dans la corbeille, mais en le repositionnant intelligemment, c'est à dire à la périphérie, et en concentrant les aides et les investissements vers la mutation et la diversification de nos industries. Je n'ai pas parlé de contenu? Si , je n'ai fait que parler de contenu. Car ce qui précède la définition du contenu, c'est bien la question de l'usage. Pourquoi et dans quelles conditions consomme-t-on l'information aujourd'hui, et qu'est-ce ça nous dit en terme de contenus et de formats?"

Octobre 2008, sur la rédaction du futur : 35 personnes! :

"En résumé: on concentre les équipes sur le reportage, les créateurs de contenu exclusif. L'un des vieux fondamentaux du métier : "il faut sortir des infos"."

Novembre 2008, sur la révolution Twitter:

"Avant de se jeter sur la mode Twitter, et de n'en (re)garder que l'outil, il faut bien comprendre que ce qui est passionnant dans ce que nous venons de voir (mais que l'on avait déjà remarqué lors du passage des ouragans aux USA et lors de la campagne présidentielle américaine) c'est l'émergence d'un nouvel Internet. Et l'émergence, en particulier, d'une nouvelle dimension de l'info sur le web. Le live, évidemment, mais surtout le live en réseau, forcément participatif, une sorte de wikipedia du live, encore extrêment chaotique mais que l'on sent déjà capable de s'organiser autour d'événements marquants".

Janvier 2009, sur la mort du papier :

"Ce n'est pas le papier qui est mort, mais l'usage de l'information qui a changé. Au regard de cette révolution dans les usages, c'est le modèle industriel de l'info papier qui est mort. Ce n'est pas la même chose. On lit toujours sur le papier, mais moins souvent et différemment... Or, les coûts d'impression sont trop élevés et le mode de production est inadapté aux usages d'aujourd'hui."

Mars 2009, sur Hadopi et les médias :

"Ce qui me fascine et m'effraie en même temps, c'est bien cet acharnement à aller contre l'usage : partager les contenus, recopier une info (deux nouveaux mots apparus dans le angage des blogueurs: le re-blogging ou le re-twitt), avoir accès facilement aux contenus, immédiatement, gratuitement, pouvoir dématérialiser, avoir le choix, compiler, déplacer les critères de valeur... en presse comme dans l'industrie du disque, le monde est en pleine révolution. Et là où les industriels se trompent, c'est qu'il n'y aura pas de retour en arrière."

Avril 2009, sur le retour du modèle payant:

"Si ne vend pas le contenu, je peux travailler sur la communauté: que puis-je lui vendre ? Quels services ? Quels contenus gratuits pour attirer vers quels services payants (coaching, newsletters, avantages, paris en ligne...), ? Est-ce que la force de ma marque me le permet ? Comment je fais payer ? Organiser les communautés, voilà un nouveau rôle pour les médias, avec à la clef des modèles à expérimenter."

Juillet 2009, sur la révolution Twitter et la libérté sur le Net:

"Je pense que nous ne sommes pas au bout de la révolution de l'info. Nous allons passer d'une culture de l'info certifiée à une culture de l'info partagée. C'est à dire à une culture de la désintermédiation et de l'info multi-sources. Y-a-t-il danger ? Oui, comme dans toute transition. Et la capacité des médias à s'adapter sera déterminante dans cette phase critique de libéralisation extrême. Nous verrons ainsi l'émergence d'une culture de la méfiance, ou (pour être plus positif) de la vigilance accrue face à l'info. Qui me dit ça ? Et pourquoi me le dit-il ? Nous assisterons à la constitution d'un lectorat de moins en moins passif face à l'information. Chaque lecteur deviendra part du média."

Octobre 2009, sur les revenus pub du web:

"1) Les sites de journaux sont moins puissants que leur version papier. 

2) Si l'on retire les petites annonces des revenus pub, le revenu par page est supérieur sur Internet que dans les éditions papier."

Décembre 2009, sur la nature du web et sur la gouvernance des médias:

"Le drame de l'information d'aujourd'hui: c'est l'industrie du papier qui s'occupe également de la destination "web" du journalisme. Résultat: elle est incapable de l'organiser, et surtout de la monétiser. Ce n'est pas son métier. C'est à l'industrie du web d'inventer les supports et les mécaniques web du journalisme. C'est à dire à la génération des start-up du web, celle qui a donné naissance à Twitter, Google, Facebook, Yahoo, Skype ou Amazon."

Janvier 2010, le concept de la Google NewsRoom:

"Il faut oublier cette vieille notion de fusion des rédactions, mais faire un choix, aller là où l'information respire, là où les lecteurs/utilisateurs sont connectés et impliqués, créer une seule rédaction "là où ça se passe", c'est à dire sur le réseau. C'est le coeur de l'info. Tout le reste n'est que mise en scène."

Mars 2010, sur les rumeurs sur Twitter: "Internet, qui n'est pas un média, est une sorte de bistrot. Mais qui n'est pas qu'un bistrot. C'est un réseau au sein duquel les frontières entre discussion privée, publique, information, publication, réseau public/privé n'est pas encore claire. Et qu'Internet mute à une telle vitesse que les usagers n'ont pas le temps de se forger des armes pour apprécier à leur juste valeurs les contenus et les humeurs qui s'échangent sur le Net."

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