The Times : premiers chiffres derrière le Paywall
Les chiffres ne sont pas officiels, ils viennent d'un ancien correspondant du Times, Dan Sabbagh (ils sont publiés sur son blog), et il encore un peu tôt pour en tirer des conclusions définitives. Mais ils restent un indicateur intéressant et sont l'occasion pour moi d'ouvrir une conversation.
Voici d'abord l'évolution du trafic depuis que The Times est passé entièrement derrière un mur payant:
Le graphique ne veut rien dire en soi. L'objectif du paywall total (lancé le 15 juin 2010) n'est pas d'augmenter le nombre de visites, mais les abonnés. The Gardian rappelle néanmoins que le site a perdu les deux tiers de son trafic depuis son passage derrière le mur.
Quels sont les chiffres des abonnements ? Voici ceux récupérés par Dan Sabbagh :
150.000 se sont inscrits à l'offre de souscription gratuite.
15.000 ont réellement accepté de payer pour lire le contenu en ligne.
12.500 ont acheté l'application The Times sur iPad: celle-ci est vendue 13€99 et donne accès à la version iPad du quotidien pendant 30 jours.
Pendant ce temps, ajoute Dan Sabbagh dans un second article, le quotidien britannique a perdu en moyenne 14.636 lecteurs en juin. Mais en les rapportant au nombre de lecteurs gagnés sur Internet et sur iPad (27.500), il conclut que The Times a finalement fait un gain de 12.864 lecteurs. Il tempère tout de même : "Il n'est pas évident que ce chiffre de 27.500 se reproduira dans les prochaines semaines".
Enfin, entre juin 2009 et juin 2010, le Times a perdu 45.448 lecteurs. Ce qui signifie que les 27.500 nouveaux e-lecteurs n'ont pas effacé la perte de lectorat depuis l'an passé.
Et Dan Sabbagh d'ajouter qu'en terme de revenus (l'abonnement en ligne ou sur iPad est moins cher que sur le papier), 27.500 lecteurs équivalent en fait à 10.576 lecteurs.
Difficile d'en dire plus et de sur-interpréter ces chiffres, encore trop frais.
Mais cela amène quelques réflexions : faire payer les internautes pour l'info n'est pas une mauvaise idée en soi.
Sur TechCrunch, John Biggs, explique que l'ère du piratage et du tout gratuit est en train de fondre au soleil des micro-paiements, parce qu'il est bien souvent plus facile d'acheter du contenu que de le pirater. Il fait évidemment référence à la vidéo et aux mp3, que l'on peut notamment acquérir via iTunes. Sur les contenus d'infos, Biggs précise cependant que si, pour les médias d'info, le modèle n'a pas encore été trouvé, avec un peu d'imagination, notamment sur iPad (il cite l'exemple de l'application de "Popular Mechanics"), on devrait y arriver. On devrait...
Ce n'est pas encore prouvé. Tant que l'on trouvera du contenu gratuit, il sera difficile de faire payer, rappelle Alain Weill, le patron de NextRadio, qui croit cependant au modèle des tablettes.
Pour l'instant, l'iPad est surtout un excellent navigateur pour lire du contenu gratuit sur le web. Il va donc falloir travailler sur autre chose. La rareté, sans doute. Mais un peu plus que ça.
L'institut Forrester insiste de son côté sur le fait que les journaux ne sont plus dans le business du contenu, mais de l'audience. Plutôt que de vendre du contenu, les médias devraient se concentrer sur "comment la création de contenus peut aider de nouvelles sources de revenus". Ce qui n'est pas la même chose. "La valeur d'un média réside dans la relation qu'il crée avec l'audience, le consommateur. Or, mettre un Paywall sur son site fait perdre 90% de l'audience. Ce qui rend le challenge plus difficile."
En France, Mediapart annonce avoir gagné 5000 nouveaux abonnés grâce à leurs révélations sur l'affaire Woerth. Mais si les chiffres paraissent encourageants, ils restent assez faibles au regard de l'ouragan qu'a été cette affaire dans les médias. Lorsqu'un quotidien sort un "scoop" de cette envergure, il est capable de booster ses ventes de 50 à 100%. Il est vrai qu'avec l'affaire Woerth, toutes les informations de Médiapart étaient consultables sur le Net gratuitement quelques minutes après leur publication, parce qu'elles étaient reprises par les autres médias. Lesquels ont également boosté leur trafic.
Surtout, restent deux questions sans réponse :
- Quelle est la marge de progression de ces ventes par abonnement ? A quel niveau se situe le plafonnement ?
- Quelle est la motivation des abonnés ? S'agit-il d'un acte consommateur ou d'un acte militant?
Là est la question: pourquoi paie-t-on ? Pas seulement: qu'est-on prêt à payer, mais pourquoi, quand et où ?
Il y aurait beaucoup à apprendre de l'étude des usages des e-lecteurs. Faire payer, ce n'est pas une mauvaise idée en soi, encore faut-il savoir ce que l'on fait vraiment payer. Et s'adapter sans cesse aux usages.
Je reste persuadé que ce n'est pas le contenu que l'on fait payer. Sur iPad, je n'achète pas la version Pdf d'un quotidien seulement pour le contenu, mais parce que je trouve agréable de lire une version compacte d'un journal dans le train ou au bistrot. Maintenant, je ne l'achèterais peut-être pas si j'étais constamment connecté à Internet, ou si le prix était trop élevé. Usages, usages...
C'était le pari d'iTunes, mais aussi celui de Spotify (qui propose un lecture illimitée pour un abonnement mensuel de moins de 10€) : rendre la consommation payée d'un mp3 plus simple que son piratage.
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