TBD.COM est-il l'avenir de la télé locale ?
Le fondateur de Politico va-t-il répéter avec TBD, un site hyperlocal marié à une télévision, la success story du célèbre pure-player américain, pionnier du reverse publishing ?
"TBD is a website that happens to program a 24-hour local cable news channel." Cette petite phrase résume toute la stratégie de Robert Allbritton. Lancé cette semaine, TBD.com est un média hyperlocal couvrant les communautés de l'agglomération de Washington D.C.
C'est l'application à la télévision, du principe du reverse publishing: digital first, then print. Une philosophie qui a permis au site d'infos politiques "Politico.com" de trouver le chemin du succès... et de la rentabilité (même si celle-ci est encore fragile). Politico publie presque chaque jour un journal papier distribué gratuitement à Washington et vendu par abonnement. Il propose également des articles de qualité à la presse locale contre un partage des revenus sur la publication papier.
Robert Allbritton, interviewé par PaidContent: "La grande leçon que nous avons tirée de l'expérience Politico, c'est que vous devez vous concentrer d'abord sur le web si vous voulez avoir un bon site web. Politico a toujours été pensé comme un site web qui publiait un journal papier. TBD est un site web qui programme une chaine d'infos locale 24/24. Avec la demande croissante des internautes en vidéos sur le web, cela avait du sens pour nous d'aborder les choses de cette manière"
Avec TBD, la formule "digital first" est donc adaptée à la télévision. "digital first, then broadcast". C'est la première fois que je rencontre cette démarche pour la télévision. Ce n'est plus une chaine d'infos qui diffuse ses reportages ou son flux sur le web, mais le contraire. C'est ce focus sur le digital qui change tout, s'enthousiasme Mark Potts de Business Insider.
Cela implique une réorganisation complète de la rédaction: production digitale, c'est à dire utilisant toute la force du réseau Internet (web et mobile), et mise en scène sur le print ou la télévision. Un modèle que j'avais décrit sur mon ancien blog il ya quelques mois, et que j'appelais la "Google NewsRoom". Ce qui permet de continuer de produire un bon journal papier ou de bons programmes télé, tout en décuplant la puissance globale de production.
TBD combine les efforts de deux chaînes de télé locales, WJLA et News8 (rebaptisée TBD TV), considérées donc comme les compagnons d'un média central, entièrement digital, organisé autour de la production en réseau: TBD.com.
Aux 50 personnes qui travaillaient déjà à News8, TBD a ajouté 50 autres professionnels, rapporte Ken Doctor sur NiemansLab (qui décortique également le business model) : une quinzaine de reporters locaux, 6 éditeurs, 6 éditeurs séniors, 6 community managers. Et une équipe d'une vingtaine de commerciaux, techniciens, chefs de produits, et designers. Plus un réseau de blogueurs locaux. Le nouveau média ne sera pas piloté par un homme de la télé, mais un professionnel du web, Jim Brady, un ancien du Washingtonpost.com. C'est la clef.
C'est la combinaison des deux modèles, TV + web, lesquels se nourrissent l'un l'autre, qui portera le modèle économique basé sur la gratuité et, pour l'instant (mais j'espère qu'ils seront plus créatifs), la publicité locale.
Jusque là relativement bien protégée, la télévision entame à peine la révolution digitale qui bouleverse l'écosystème de la presse écrite depuis quelques années. La consommation de vidéos est en train d'exploser sur Internet, à une époque où les nouvelles générations regardent de plus en plus la télévision sur leur écran d'ordinateur ou mobile. Ils consomment les programmes vidéo différemment, à leur rythme, à leur manière, par petits bouts, pas forcément sur les sites des chaînes, de plus en plus via les réseaux sociaux. Ils veulent pouvoir les partager, en discuter, participer, choisir l'extrait, le moment, le lieu... Quelles seront les conséquences demain ? Nous n'en sommes qu'au début de la télépocalypse.
TBD propose un modèle. Difficile de dire si leur solution sera la solution, mais elle a le mérite de prendre le taureau par les cornes et d'être pragmatique. Le spécialiste de la vidéo digitale, l'un des plus politiquement incorrects que j'ai eu le plaisir de rencontrer, Michael Rosenblum, pense que les chaînes de télévision sont encore très loin de cette prise de conscience. Un peu comme les journaux il y a quelques années.
Wait and see...
(Photo d'illustration: Robert Allbriton. Source : PaidContent.com)
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