World Editors Forum : focus sur le payant et les tablettes
Je ne retire pas grand chose, pour l'instant, des mes premiers jours passés à Hamburg au World Editors Forum, à part le plaisir (et l'émotion !) de venir présenter mon expérience au Post.fr, face aux responsables du Washington Post, de l'Asahi Shimbun et du Wall Street Journal. Débat animé par l'ami Jacques Rosselin ;)
La dernière fois que je m'y étais rendu, c'était en 2006 à Moscou. J'étais beaucoup plus enthousiasmé à l'époque, parce que nous étions au début d'un grand chantier dans les journaux.
4 ans après, les interrogations sont les mêmes, et les conseils donnés sont à peu près identiques, souvent incantatoires : mort du papier (oui, non, peut-être), faites du bon journalisme pour créer de la rareté, passez d'une rédaction papier à une rédaction intégrée (quelques chiffres à ce propos : 39% des rédactions européennes sont "entièrement intégrées").
Seule différence : le débat payant/gratuit a pris une nouvelle forme. La tonalité générale à Hambourg, Washington Post compris, est : "Oui, il faut faire payer les utilisateurs". Reste à savoir, encore une fois, que faire payer.
- Le plus radical : Newscorp (The Times, Sun...) a fermé entièrement ses sites pour les placer derrière un paywall. Mais aucun chiffre de communiqué pour l'instant.
- Le plus complexe : The New York Times, sa CEO Janet Robison l'a rappelé ce jeudi matin à Hamburg, autorisera l'utilisateur à consulter gratuitement une dizaine de contenus dans le mois, après il faudra payer. Par contre, les accès directs depuis les moteurs de recherche ou les médias sociaux ne seront pas comptés, "histoire de rester dans un environnement ouvert".
- Le plus fou : j'ai entendu que le patron de "La Presse" rêvait de basculer entièrement le journal sur tablettes, et de fermer à terme imprimerie et site web !
- Le cabinet de consultants "Innovation" n'a pas donné de pistes particulièrement originales : Faites payer les contenus rares, vos contenus exclusifs.
- Contredit une heure plus tard par le responsable "Médias" de Reuters, pour qui "les utilisateurs ne paieront jamais pour du contenu, mais pour une expérience."
Dans un monde où le volume d'information ne cesse de croître ("“Tous les deux jours, nous produisons plus d’informations que nous l’avons fait depuis l’aube de l’humanité jusqu’en 2003", notait Eric Schmidt le mois dernier), se contenter de dire "nous allons créer de la rareté en produisant des contenus de qualité et c'est pourquoi nous pourrons les vendre" est un peu naïf.
Si l'on regarde l'outil journal papier d'un peu plus près, on se rend compte que ce n'est pas tant les contenus que l'on achète que l'outil qui permet de les consulter de façon confortable.
Ce n'est pas le contenu que l'on vend, mais le service d'information. La question que l'on doit se poser n'est pas tant: quel contenu vendre, mais plutôt quel service d'information vendre ?
Et notamment quel outil ?
Ce n'est donc pas tant la rareté du contenu qui ouvre la monétisation que la rareté du service prodigué.
C'est là que l'arrivée des tablettes ouvre un terrain d'expérimentation intéressant. En proposant une expérience différente d'information, les tablettes comme l'iPad peuvent permettre une monétisation du service rendu par les médias.
Et il ne faut pas penser les tablettes comme des sites fermés. L'iPad est aussi un excellent navigateur internet, il rend donc les applications classiques obslètes. Il faut plutôt voir ces applications comme des hors-série, des outils spécifiques dédiés à des utilisateurs et des besoins différents, voire des moments différents. Qui connaît un peu le marché des applications a vite compris que l'on vend une application comme un best seller ou un jeu vidéo : la durée de vie est assez courte, il faut se placer dans le top 10 dans les 3 semaines. Après, il faut lancer autre chose. Ce n'est pas donc pas une appli qu'il faut lancer, mais plusieurs. Une sur un club de foot, une plus ludique, une sur un événement, un guide etc. Toujours dans un esprit de service.
Et d'expérience.
L'expérience, sur tablettes, est essentiel : expérience tactile, physique (celle de Flipboard, où l'on tourne les pages du média est la plus intéressante aujourd'hui), mais aussi visuelle, "engaging", avec une dimension live qu'il ne faudra pas ignorer...
Bref, packager l'info... à nouveau. A nouveau, oui, mais dans un environnement très différent du papier, puisque les agrégateurs ("Flipboard", encore une fois, mais aussi "Pulse") ne sont pas loin et ne seront pas les plus mauvais sur le terrain du service d'information, qu'ils connaissent assez bien.
Sans oublier la technologie, qui file plus vite que le médias, et qui aura tôt fait de rendre les applications perméables, aux moteurs de recherche notamment.
Les temps qui viennent s'annoncent, encore une fois, passionnants. Et troublés ? Mais pour qui ?
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