Benoît Raphaël

Modèles payants : combien tu m'aimes ?

11 Octobre 2010 , Rédigé par Benoit Raphaël Publié dans #Daily, #Monétisation digitale, #just delivered, #business model, #dons, #Instapaper, #paywall

Alors que la plupart des journaux planchent sur leur futur (ou actuel) modèle payant, en s'arrachant parfois les cheveux (qu'est-ce que je fais payer exactement ?), l'expérience d'Instapaper nous incite à prendre un peu de recul par rapport au modèle. L'histoire est racontée par Joshua Benton sur Le "Niemans Lab" : Instapaper est un service plutôt cool qui permet aux lecteurs de garder dans une liste les articles trouvés sur le Web afin de les lire plus tard (ce qui, au passage, tent à démontrer que le web n'est pas un espace réservé aux articles courts et chauds, qu'il est réservé à tout type de contenus pour peu qu'on ait les bons outils). Quand Marco Arment, l'homme derrière Instapaper a décidé d'installer un modèle payant, qu'a-t-il fait ? Il n'a pas décrété : désormais le contenu n'est plus disponible, pour y avoir accès vous devrez payer. Il a "juste" écrit : "Si vous aimez Instapaper, vous pouvez payer un abonnement de 3$ pour trois mois. Qu'avez vous en échange ? Presque rien, sinon le plaisir de savoir que vous soutenez Instapaper. Certaines fonctionnalités arriveront et seront réservées aux abonnés, mais elles ne seront pas forcément extraordinaires pour vous, tout dépendra de votre capacité à être impressionnés. Je serais donc plus à l'aiser si vous ne payiez pas l'abonnement pour ces fonctionnalités, mais d'abord parce que vous voulez soutenir un service que vous aimez." On résume : donnez moi 3$ pour à peu près rien en retour. Résultat : les réactions, à en croire Joshua Benton (et Twitter), ont été très positives. Ce qui pousse l'auteur à conclure que : dans un monde (le web et le mobile) où le gratuit est dominant, la valeur d'un service ou d'un contenu ne dépend pas de son coût ou de ce qui vous semble vous avoir demandé plus d'effort. Mais d'autre chose. Benton relève que les utilisateurs peuvent accepter de payer 3$ pour rien, mais refuser de payer 2$ une application iPhone qui a demandé des jours de développement. Que l'on est prêt à payer 20$/mois pour recevoir une newsletter de revue de presse dans le domaine de l'édition, mais pas pour un abonnement d'un mois d'accès online au Boston Globe qui propose le travail de qualité de centaines de journalistes. Qu'il est moins efficace d'obliger les utilisateurs à payer (le modèle "The Times") que de les encourager à la faire (ce que fait Instapaper, mais ce qu'avait fait avant Radiohead en vendant l'un de ses albums au prix que chacun pouvait fixer). Conclusion : - La valeur attribuée à un "produit" dépend de nombreux critères. Elle varie selon l'usage, l'environnement, ou le moment"... - Dans ce monde de gratuité où le consommateur/utilisateur a le pouvoir, ce dernier doit avoir une bonne raison de payer. - Cette raison, ce n'est pas ce contenu qui vous a couté tellement cher à produire, c'est : le formidable service que vous lui rendez, le plaisir que vous lui apportez, ou... la dévotion que vous lui inspirez. - Ce dernier est l'un des critères les plus forts, et les plus étonnants. Il mesure l'amour que l'utilisateur vous porte. Prenez l'exemple de Médiapart : 40.000 abonnés, dont très peu paient pour le contenu, qu'ils ne lisent pas régulièrement. Ils paient parce qu'ils aiment Médiapart, ou plutôt l'idée qu'ils se font de la liberté de la presse. Je ne sais pas si le modèle peut se développer, et s'il peut être reproduit par d'autres médias, mais il fonctionne. C'est aussi le cas d'Instapaper. Dans cette perspective (le payant) il semblerait qu'il vaut bien mieux avoir une petite communauté dévouée qu'une large communauté peu attachée à la marque ou au produit. La puissance de la marque ne suffira pas toujours. Ni celle du trafic. Donc, avant de vous demander : combien je fais payer mes utilisateurs, posez vous plutôt la question : "combien tu m'aimes" ?
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