Comment CNN a utilisé le "journalisme citoyen" pour couvrir les événements au Japon
La plateforme participative de CNN est un succès, il n'y a plus de discussion là dessus. Elle n'a pas abimé le travail des journalistes. Au contraire.
Les événements tragiques qui ont entraîné le Japon dans le chaos sont l'exemple le plus récent et le plus représentatif de la puissance de ce que j'appelle "journalisme augmenté" (selon l'expression entendue chez l'ami Eric Scherer) plus que "'journalisme citoyen". C'est à dire un journalisme s'appuyant sur une communauté d'internautes témoins pour enrichir son travail : en qualité et en réactivité.
iReport a été lancé en 2006 par CNN. A l'origine, il s'agissait d'une plateforme à part, distincte du site de la chaîne d'infos américaine, avec sa propre marque, "iReport" et sa charte graphique. iReport se voulait un YouTube de l'information.
Les internautes pouvaient y envoyer leurs vidéos et leurs photos, prises sur le vif de l'actualité. Les contenus sont publiés bruts, sans vérification. Une dizaine de journalistes (issus de la presse écrite) est chargé de vérifier les contenus en amont avant de les envoyer à la chaîne pour publication à l'antenne. Sur le site, les contenus vérifiés sont marqués d'un label et facilement identifiables.
Depuis, CNN a complètement intégré son service, qui est aujourd'hui une rubrique du site, fièrement habillé aux couleurs de la marque. Ce n'est plus un concurrent du travail des journalistes, mais une source d'enrichissement.
C'est grâce à iReport que ces derniers ont pu obtenir, avant tout le monde, des documents exceptionnels sur de nombreux événements.
Dernier en date : le tsunami au Japon. Avec une première vague de vidéos et de photos envoyées par les "iReporters". Comme celle de Ryan Mac Donald's, un citoyen américain sur place, qui croyait au début à un simple tremblement de terre : "“Oh my God, the building’s going to fall!” crie-t-il dans la vidéo, balançant sa caméra frénétiquement, de droite à gauche. On sent la peur dans sa voix. Document, témoignage, émotion et instantanéité, avant même que CNN n'envoie ses journalistes sur le terrain... Après avoir reçu sa vidéo, parmi des centaines d'autres (iReport reçoit environ 400 vidéos par jour sur tous les sujets), la rédaction l'a invité à témoigner en direct à l'antenne grâce à une connection "Skype".
Pendant la semaine qui a suivi l'événement, CNN a invité les iReporters sur place à témoigner en direct à l'antenne, tandis que les autres chaînes d'infos se battaient pour accéder aux sites, rapporte le "Nieman's Lab". Selon Simon Owens, le succès de la couverture du drame japonais vient en grande partie de sa section iReport.
La rubrique génère d'ailleurs 2 millions de visiteurs uniques par mois, alors que son objectif n'est pas de faire du trafic mais d'enrichir la couverture éditoriale de l'actualité.
Depuis 2006, 753.000 personnes ont créé un compte sur iReport. 800.000 vidéos et photos ont été envoyées par les témoins citoyens.
On voit bien ici, à grande échelle, toute la puissance du participatif. Mais aussi sa place dans la chaine de production et les raisons pour lesquelles le système fonctionne : si iReport marche aussi bien, c'est parce qu'il y a des journalistes qui, en bout de chaine, vérifient les contenus, les sélectionne et les mettent en scène. Les témoins envoient leurs contenus parce qu'ils sont édités par des professionnels qui leur donnent de l'ampleur et du sens.
En face, le média gagne en authenticité et en réactivité. Ce qui ne l'empêche pas d'envoyer ses reporters sur le terrain. Ces derniers peuvent se concentrer sur la valeur ajoutée et enrichir, "augmenter" leur travail par l'apport des milliers de témoins sur place armés de caméras.
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