Benoît Raphaël

Melty.fr : le site rentable piloté par un robot

3 Octobre 2011 , Rédigé par Benoit Raphaël Publié dans #Weekly, #Alexandre Malsch, #Google journalisme, #journalisme, #Melty, #robot, #SEO

Connaissez-vous Melty.fr ? Vous devriez ! Ce site d'infos dédié aux 15-30 ans créé en 2008 fait 4,7 millions de visites OJD, 10,6 millions de pages vues (+114% par rapport à l'an passé), devrait être rentable cette année avec plus d'un million d'euros de chiffre d'affaires annoncés.

Melty.fr a deux particularités, son fondateur Alexandre Malsch (en photo), né en 1985, a des airs de surdoué. Un petit look à la Mark Zuckerberg et un storytelling séduisant : il monte son premier média pour les jeunes à l'âge de 15 ans. En 2001, alors qu'il est encore lycéen, il co-fonde sa première société Oxeva avec Vincent Harmin, qui propose des solutions d'hébergement.

Deuxième particularité : s'il y a une équipe de journalistes qui prend des décisions, le rédacteur en chef de Melty est un robot. Pas comme dans Star Wars, mais comme dans un monde média dirigé par des digital natives : le choix des sujets, des mots utilisés, ainsi que l'heure de publication, sont déterminés par un algorithme mis au point par les développeurs de la société.

Comment ça marche ?

L'ensemble du site est dirigé par des données. L'algorithme de Melty, sur lequel Alexandre Malsch reste volontairement mystérieux, va chercher les sujets qui intéressent le plus les jeunes en temps réel sur Internet en allant récupérer des données un peu partout, sur le site lui-même et sur différents classements.

Les journalistes ont alors peu de temps pour écrire du contenu sur ces sujets, de choisir les bons mots clefs pour les titres, mais aussi les bons liens afin d'assurer au site le meilleur référencement possible sur Google et Google News.

Par exemple, le robot Melty va noter qu'il y a énormément de requêtes sur tel épisode de telle série TV et/ ou que les contenus sur ce sujet font beaucoup de trafic. La rédaction va devoir fournir des contenus sur ce sujet, et utiliser les mots clefs recommandés par l'algorithme. Melty salarie une vingtaine de personnes, dont 5 développeurs et 8 journalistes.

Parmi eux 5 chefs d'éditions, formés aux techniques de référencement, lesquels pilotent une vingtaine de freelances payés au rendement. Lorsque l'article est prêt à être publié, c'est encore le robot qui décide ! Le moment de publication est calculé de façon à obtenir la meilleure fenêtre de tir pour être bien placé sur les moteurs de recherche et les réseaux sociaux.

Notamment si un article sur un sujet similaire d'un autre site du groupe Melty est bien positionné, le robot va attendre que celui-ci descende pour publier celui de Melty.

Melty se déploie pour l'instant en quatre verticaux (sites thématiques) en plus de son site généraliste : Melty Fashion, Melty Style, Melty Buzz et Fan2.fr (à l'origine développé pour M6).

Et il se prépare à être rentable à la fin de l'année, après avoir lancé sa propre régie, MeltyPub, il y a moins d'un an. Les tarifs pub semblent assez élevés, même au dessus de la moyenne, surtout pour un site qui doit encore construire sa marque, mais Melty a un gros avantage par rapport à ses concurrents : il est très ciblé (les 18-30 ans, même si sa communauté la plus active semble avoir moins de 16 ans) et est à peu près seul sur son créneau.

Les techniques de Melty sont un peu extrêmes, et ses sites essentiellement consacrés aux contenus de divertissement, mais il y a tout de même plusieurs leçons à tirer pour les médias traditionnels :

1- Melty ne pense pas son média comme un média traditionnel appliqué au web, mais comme un média Internet : ses techniques de marketing éditorial et de distribution sont entièrement digitales. SEO, bases de données, performances... Chez eux, si l'algorithme joue les "rédacteurs en chef", il est surtout une aide à la prise de décision éditoriale. L'algorithme flaire les tendances à utiliser pour se positionner. Cela ne veut pas dire qu'il faut s'en contenter ou suivre ses instructions aveuglément. Mais mieux vaut avoir les bons outils que se contenter de décider d'"angler" ses contenus à l'ancienne avec sa seule "intuition journalistique".

2- L'algorithme ne permet pas de lui-même de créer une véritable offre éditoriale, puisqu'il ne repose que sur la demande. Ce qui n'empêche pas de positionner son offre éditoriale (une enquête par exemple) par rapport à un faisceau de demandes, pour être capable de publier au bon moment afin d'obtenir un meilleur trafic sur tel ou tel contenu. 3- Les techniques de distribution assistées par ordinateur (notamment sur Google News) sont très efficaces, et devraient en faire réfléchir plus d'un !

3- La technique des verticaux, avec des communautés très ciblées et faciles à cerner pour les annonceurs, n'est pas nouvelle (Webedia est très doué sur ce créneau), mais elle fonctionne très bien chez Melty, dont le rapport chiffre d'affaires / nombre de pages vues est assez impressionnant pour un jeune site.

4- La communauté : Melty dispose de nombreux outils communautaires, mais a du mal à fidéliser ses utilisateurs. Sa technologie orientée uniquement sur le trafic Google fragilise le média sur le moyen terme. Melty est publié par la start-up "Eeple", fondée par Alexandre Malsch et un autre étudiant d'Epitech, Jérémy Nicolas. La société a à son capital Bouygues Telecom Initiatives, le groupe Ionis ainsi que Pierre Chappaz.

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