Photos buzz : Après la mort de sa femme, il refait ses photos de mariage avec sa fille de trois ans. Emouvant ou flippant ?
Je ne sais pas bien quoi penser de ces photos. C'est l'une des trois histoires les plus partagées depuis hier sur les réseaux sociaux américain, selon les chiffres livrés par Trendsboard.
C'est l'histoire d'un couple heureux, Ali et Ben et de leur petite fille Olivia. A l'âge de 31 ans, Ali meurt d'un cancer foudroyant. Olivia n'a qu'un an. Deux ans après, alors qu'ils s'apprêtent à quitter la maison familiale, Ben décide de faire des photos avec Olivia. De reproduire les belles photos des deux mariés dans la maison. Sauf que dans cette nouvelle version, la petite fille prend la place de la maman, à côté du père. Un acte de mémoire, explique-t-il, peut-être un peu de résilience. Comment avancer sans maman, sans mon épouse ? La première pierre a été posée avec cette série de photos bouleversantes par la détresse intérieure qu'elles racontent... et très troublantes en même temps.
Ces images sont touchantes et terribles en même temps. Jusqu'au malaise : cette fille qui prend la place de la mère dans des lieux où se reflète son fantôme. Il y a une idée d'héritage et de souvenir, explique le père, mais aussi, à peine cachée, cette volonté désespérée de remplir le vide.
Ce sont des photos intimes, mais aussi des photos d'art. Et l'art est un outil extraordinaire de résilience.
Le deuil est un travail intérieur face au mur non négociable de l'absence, et l'art permet de trouver les armes poétiques et symboliques pour fermer la porte afin de construire la suite. C'est une façon de partager avec soi-même, mais aussi avec les autres. C'est aussi une façon de nos interroger, parfois en choquant. Le net est d'ailleurs rempli de telles démarches, toutes très fortes, toutes dérangeantes. Parce qu'elles sont impudiques : elles parlent de la mort, et elles font appel à l'intime.
Ici, le travail d'un photographe qui a filmé le long calvaire de sa femme jusqu'à la tombe.
Deux ans après la mort de sa femme, dans cette maison qui était destinée à accueillir tant de bonheur, dans cette maison vide le jour du mariage (ils venaient de s'y installer), vide au moment du déménagement, Ben a donc eu cette idée étrange, dérangeante, impudique.
Les mêmes photos, les mêmes poses, mais cette fois, c'est Olivia,la fille, qui prend la place d'Ali, l'épouse. Sa mère, qu'elle n'a jamais vraiment connue. Comme la pierre angulaire d'une nouvelle histoire. Mais justement parce que cet acte est symbolique, il y a de fortes chances qu'il marquera profondément Olivia dans sa construction intérieure. Reste à savoir si ce sera de manière positive... ou négative.
Ces photos peuvent s'interpréter de deux façons :
1. Après la mort, la vie, l'héritage, le passage de relais, et un processus d'identification peut-être salvateur pour l'enfant.
2. L'enfant a remplacé l'épouse avec tout ce que ça implique comme confusion, psychologique et sexuelle.
Laquelle de ces interprétations va faire son chemin dans l'imaginaire d'Olivia ?
Que dit vraiment Ben à sa fille ? Quelle est la place qu'il lui laisse dans le drame qui a détruit sa vie ?
Pour avoir vécu deux deuils similaires dans ma vie, l'un touchant un ami, l'autre plus personnel, j'ai été très ému par la force de ces photos. J'ai aussi été interpellé par leur ambiguité, mais ce que j'y ai vu surtout, c'est du tragique.
Il n'y a pas d'ambiguité malsaine dans la remise en scène enfantine de ces photos de mariage. Pas d'ambiguité volontaire en tout cas. Même si elles interrogent forcément, en filigrane, sur la place sexuelle de l'enfant.
En fait il se dégage surtout de ces clichés une immense tristesse, presqu'une narration du vide.
L'impression qu'Olivia n'est que le reflet d'un fantôme, celui de sa mère, celui de l'épouse plutôt. Qui ne cessera jamais de hanter ces photos.
Il y a certes cette idée de transmission très forte, la mort et la vie, mais c'est surtout la représentation symbolique que se fait le père de cette transmission. Olivia n'a que trois ans au moment des photos. Elle n'a peut-être pas vraiment conscience de ce qui se passe.
La douleur de l'époux n'est pas du même ordre que celle de l'enfant. Le sentiment d'absence n'est pas de même nature, et donc le chemin de reconstruction est forcément différent. Si le père se reconstruit, quelle liberté laisse-t-il à sa fille qui n'a peut-être pas besoin, à ce stade de sa vie, de cette catharsis artistique ?
J'ai posté ces photos sur Facebook pour voir ce que mes amis en pensaient, et les réactions étaient très contrastées. Parce que le sujet est fort, qu'il prend à la gorge, par ce que si la détresse de ce père et de sa fille est bouleversante, elle ne laisse pas disparaître un sentiment trouble, une interrogation face à la confusion des genres.
Les photos sont superbes, mais la petite fille fait un peu "objet déco" sur certaines je trouve. A-t-il fait son deuil? Ne veut il jamais remplacer sa femme décédée... c'est dérangeant d'y mettre son enfant comme "remplaçant" sa mère. Un enfant ne dort pas dans le lit conjugal, place de l'autre parent, alors il ne doit pas non plus avoir la lourde responsabilité du bonheur de son père.
J'espère que le père a prévu un bon psy pour sa fille...
Ceci étant dit, le papa que je suis trouve ça très beau...
Au contraire, je n'y vois rien de malsain. Mais c'est rendre présente, l'absente.... Je pense qu'il y a plus une histoire d"héritage, de continuité.. La petite ne va jamais connaître sa maman, mais ce qui lui reste d'elle se sont ces traits... La petite ne prends pas la place à proprement dit de sa maman, de l'épouse....
C'est un très bel hommage à sa femme disparue et au contraire, une façon pour la petite fille de se rappeler sa mère qu'elle n'a jamais connue et lui permettre une identification. Car oui, l'identification à la mère est importante pour le développement de l'enfant. Je pense sincèrement que la démarche n'aura pas de conséquences psychologiques perturbantes pour l'enfant, mais bien au contraire, sans voir sa mère comme un fantôme elle saura qui elle était...
Très belle mise en abîme en tout cas..
Vous vous positionnez à la place du père. Sa démarche est effectivement touchante et on sent qu'il est plein d'amour et de bienveillance. Mais si on se préoccupait un peu de la petite, et de son identité ? Déjà que ce n'est pas toujours évident de se positionner vis à vis de sa mère, mais si en plus on est d'office mis "à sa place", l'héritage est lourd. C'est le complexe d'Oedipe à l'envers...
C'est clair que je me mets à la place du père. Mais si sa fille est "le portrait de sa mère", quel est le souci ? C'est très beau d'avoir sa mère pour modèle, qu'elle soit là ou pas là... Non, vraiment, je trouve que c'est une belle idée. Ca veut aussi dire, tu vas grandir, tu seras comme maman un jour, et ce jour là, l'homme sur la photo à côté de toi, ce ne sera pas moi. C'est la vie qui continue. Enfin, après, on peut raconter de très belles histoires autour de ces photos...
Psychologiquement et sexuellement tordu. N'importe quoi pour la gamine qui va prendre cher.
Wow wow wow, les commentaires... C'est dingue autant de conformisme, autant de bien-pensance et de gens prompts à dispenser leurs conseils, et à projeter leurs propres craintes. Mais pourquoi ne pas simplement se laisser toucher par la poésie et la tendresse de ces images ? Pourquoi voir le mal partout ? Ca doit être dans l'air du temps. Ca m'échappe...
On fait ce qu'on peut pour s'en sortir. On ne peut certainement pas se mettre à sa place. Alors à quoi bon le juger ? C'est touchant je trouve...
Alors, nécessaire passage de relais pour la fille ? Moyen, à travers l'art et la photo, d'exorciser un drame à deux ? Complexe d'Oedipe à l'envers ? Catharsis égocentrique d'un veuf malheureux ?
Je vous laisse juges.