Benoît Raphaël

Welcome to New York à Cannes : peut-être un navet, déjà un événement. Mais pas forcément pour les raisons auxquelles vous pensez.

18 Mai 2014 , Rédigé par Benoît Raphaël Publié dans #cinéma, #festival de Cannes, #buzz, #Welcome to New-York

Je ne suis pas un habitué du festival de Cannes, et je n'ai pas, en tant que blogueur, une grande légitimité à en parler. Même si finalement pas mal de mes camarades des réseaux sociaux s'arrangent pour s'en inventer une. Juste histoire d'en être. Et de passer du bon temps. La première étant cette capacité quasi innée qu'ils ont à poster des selfies sur Instagram dans tous les lieux VIP où ils ont pu s'inscruster, quelle que soit la nature de l'événement, et à spammer le fil Facebook de leurs amis avec des vues : sur la plage, sur des verres à cocktail dans des endroits cool, des photos de leurs pieds devant un truc, généralement la plage et un verre de cocktail. Tout ça reste d'ailleurs plutôt bon enfant.

Comme j'étais simplement invité par un ami festivalier en mode vacances, je m'étais dit que j'allais juste passer un moment sympa, croiser quelques amis, et troller une ou deux soirées. Bon, et puis sans doute poster aussi quelques photos sur Instagram. On ne se refait pas.

C'est ainsi que je me suis retrouvé un peu par accident dans la soirée dont tout le monde parlait ce jour là sur la Croisette. Hier soir donc, on célébrait "Welcome to New-York", libre interprétation d'Abel Ferrara sur l'affaire DSK. Et j'ai trouvé ça plutôt fascinant. Pas le film (que je n'ai pas encore vu). Pas la soirée (même s'il y aurait deux ou trois choses intéressantes à raconter : par exemple la distribution aux invités d'un peignoir, d'une paire de menottes et d'une pilule de Viagra...). Mais le fait que le film qui faisait le buzz au festival ce jour là ne sortirait jamais en salles, n'avait pas été sélectionné pour le festival, et ne passerait sans doute jamais à la télévision. Un film en dehors de ce qui fait le quotidien du cinéma. Un film que vous ne pourrez voir à sa sortie que sur Internet.

A la soirée WTNY à Cannes, on pouvait se faire photographie avec des menottes entouré de policiers...

A la soirée WTNY à Cannes, on pouvait se faire photographie avec des menottes entouré de policiers...

Si le film et son opé de buzz cannoise ont été pas mal décriés (Anne Sinclair l'accuse d'antisémitisme, France Info parle d'un flop), les conditions de sa sortie tout comme sa présence symbolique et un peu provoc' à Cannes, en font déjà un événement. Mais pas forcément pour les raisons auxquelles on aurait pu penser. Ce n'est pas la première fois que l'on joue de la provocation vaguement malsaine pour lancer un film. "Welcome to New-York" ne révolutionne pas le marketing, ni le cinéma. Par contre il laissera derrière lui le subtil symbole d'un changement d'époque. La volonté grandissante de producteurs, notamment indépendants, de sortir de la mécanique traditionnelle et un peu castratrice du business du cinéma pour aller chercher directement son public via Internet.

Ce qui était assez drôle hier c'est que les salles hors festival qui projetaient la première du film hier à Cannes étaient plutôt clairsemées. Tandis que le soir, à la soirée VIP, il y avait des centaines de personnes agglutinées devant l'entrée, brandissant leur carton, beuglant qu'ils connaissaient untel pour espérer passer devant les autres et dire "j'y étais". Et au bar, il y avait très certainement aussi les journalistes et les producteurs qui avaient craché sur le film. Un beau coup de pub pour Vincent Miraval, le producteur du film. Une grosse farce. Beaucoup d'hypocrisie. Sur ce point, le milieu du cinéma n'a pas beaucoup changé...

Welcome to New York à Cannes : peut-être un navet, déjà un événement. Mais pas forcément pour les raisons auxquelles vous pensez.
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