Benoît Raphaël

Comment rester moderne et rentable en lançant un magazine "papier" ? Le modèle Usbek & Rica

22 Septembre 2014 , Rédigé par Benoît Raphaël Publié dans #Usbek & Rica, #mook, #magazines, #presse écrite, #XXI, #brand content

Comment rester moderne et rentable en lançant un magazine "papier" ? Le modèle Usbek & Rica

Cela faisait longtemps que je n'avais pas entendu parler d'Usbek et Rica. Au début, Usbek et Rica était un "Mook". Vous savez, ces magazines livres, vendus en librairie, dont tout le monde parlait dans les années 2010 comme étant les sauveurs de la presse papier après le succès de l'éditeur de la revue XXI (et accessoirement aussi du livre de Valérie Trierweiler). Peut-être avais-je moins le temps de flâner dans les librairies depuis que j'ai acheté un Kindle... Ou peut-être y avait-il une autre raison. La réalité, c'est que le magazine avait changé de modèle deux ans après son lancement. Et que c'est aussi pour cela qu'il est aujourd'hui rentable et prépare, enfin, sa version digitale.

A l'origine, Usbek et Rica était donc un mook sur le futur. Ça pouvait paraître bizarre de faire un magazine papier pour parler du futur, mais on peut aussi penser que dans le futur, le papier sera vintage comme le disque vynil, et qu'on le trouvera chez Urban Outfiters au rayon des objets hype avec le tourne-dique USB...

Bref, quoi qu'il en soit, Usbec & Rica n'est plus un mook. C'est un magazine papier vendu en kiosque. Mais ce n'est pas comme ça qu'il gagne de l'argent.

Déjà, il n'en gagnait pas en étant un "mook".

"En fait, il n'y a pas de marché pour les mooks", tranche Jérome Ruskin, le fondateur de la revue. "Ça a marché pour XXI, mais il n'y a pas de places pour plus d'une ou deux revues de ce type en librairie." C'est un peu comme Médiapart et le Canard Enchaîné. Il existe des mini-places sur des créneaux de niche qu'il faut savoir prendre, mais une fois que la place est prise, c'est terminé. Ce qui n'empêche pas leurs fondateurs de sortir des manifestes pour expliquer pourquoi il faut faire comme eux. On peut s'en inspirer, mais certainement pas dupliquer.

Alors comment survivre quand on est un magazine papier, qu'on ne fait pas de pub ("pas notre philosophie"), qu'on a pas d'application tablette ("trop cheap"), et qu'on est vendu presque exclusivement par cette espèce en voie de disparition que l'on appelle "les diffuseurs de presse" ?

(Source photo : L'indépendant du 4e arrondissement de Paris)

(Source photo : L'indépendant du 4e arrondissement de Paris)

Comment ? On se concentre sur le contenu.

Usbek & Rica crée donc des contenus : pour le magazine (pas rentable), pour des livres (la série "le futur expliqué aux vieux"), pour des événements, des émissions télé (sur Arte) et, surtout, pour des marques. 70% du chiffre d'affaires vient du "brand content", le contenu produit pour des marques. Les marques devenant elles-mêmes média, plutôt que de leur vendre de la pub dans mon média (ce qui les intéresse moins), autant leur fournir des articles pour leur média à elles. Et ça marche.

Une agence m'a dit un jour qu'ils avaient perdu un appel d'offres sur une campagne pour une marque et que, en face d'eux, ils avaient eu la surprise de voir arriver "Usbek & Rica". Je l'avais déjà noté à propos de Melty : à l'heure où les marques deviennent médias, les médias deviennent des agences, et les agences se rendent compte qu'elles devraient également devenir médias...

Côté contenus, Usbek & Rica travaille aussi sur la publication d'un cahier de tendances annuel.

Son ambition est de devenir un "média total" : Une seule thématique : le futur. Un seul métier : les contenus. Et une exploitation à 360° pour la diffusion et la monétisation. Avec, dans les cartons : un projet numérique ambitieux et des envies d'internationalisation, "parce que le marché français est trop petit". C'est plus compliqué d'aller à l'international quand vous confondez "média" et support, plus facile quand vous avez compris qu'être média, c'est d'abord être sur le contenu, pas sur le support.

Aujourd'hui, le titre génère un chiffre d'affaires de 800K€ par an, et dégage 200K€ de bénéfices. Pas mal pour le premier projet entrepreneurial de ce jeune diplomé de l'EHESS (école spécialisée dans les sciences sociales) au sortir de l'université.

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