Boston : un attentat dans le monde de Twitter
En 2001, on avait assisté à l'attentat du 11 septembre en direct sur les chaînes de télévision. On changeait déjà d'époque. En 2013, à Boston, dans un monde augmenté par Twitter et Facebook, les bombes étaient plus petites, mais l'impact maximum.
Boston, hier, l'onde de choc comme par une explosion. Puis le chaos.
Le chaos se fait alors réseau. Sur Youtube, Vine et Twitter : les images, l'émotion, la panique, se répand par vagues : des centaines angles, des débris d'images volées, des détails fors ou anodins, des messages de la police, mais aussi, comme souvent dans ce genre d'événement traumatique, les fausses images et les fausses informations, souvent débusquées très rapidement sur le même réseau.
En 2001 nous étions dans le direct. En 2013 nous sommes dans l'onde de choc, une onde de choc aussi complexe qu'une réaction nucléaire. Et qui n'est pas encore terminée.
Couple just reunited. twitter.com/megansarahj/st…
— Megan Johnson (@megansarahj) 15 avril 2013
I saw people's legs blown off. Horrific. Two explosions. Runners were coming in and saw unspeakable horror.
— Jackie Bruno (@JackieBrunoNECN) 15 avril 2013
I was in office right above it. There was a primary and a secondary explosion. I ran outside to help. Blood on sidewalks & 10-12 casualties.
— Bruce Mendelsohn (@brm90) 15 avril 2013
BostonPolice looking for video of the finish line #tweetfromthebeat via @cherylfiandaca
— Boston Police Dept. (@Boston_Police) 15 avril 2013
On retrouve également des morceaux d'images recueillis via la plateforme de micro-vidéo "Vine" (qui appartient également à Twitter) :
Boston Marathon explosion from the news vine.co/v/bFdt5uwg6JZ
— Doug_Life (@Doug_Lorman) 15 avril 2013
Plus que jamais, Twitter se pose comme le négatif de l'Histoire. Celui qui parviendra à trier cette planche contact en temps réel, offrira une empreinte inédite, une véritable boîte noire des événements en cours.
Cela pose le débat. Twitter est-il un média ? Est-il dangereux de laisser passer tout et n'importe quoi sur les réseaux sociaux : vraies infos, vraies rumeurs, fausses photos, téléphone arabe... ?
Car Twitter n'est pas seulement une empreinte, à côté des chaînes d'info, il est comme un fil de news brutes auquel se connectent les internautes pour vivre mais surtout partager un moment social, une émotion collective. Une onde de choc sociale, plus qu'un média, mais qui produit du contenu, de l'info. Et qui parfois conduit en erreur. Même les médias, pas toujours équipés pour filtrer ce qui se déverse du tuyau Twitter.
Alors, non, Twitter n'est pas un média. Mais un monde augmenté dont la structure complexe est comparable à un liquide. Une vision enrichie de la réalité, en temps réel. Aux médias de trier, d'aller sur ce terrain là, autant que dans les rues de Boston, pour tirer de ce négatif du sens, de la valeur. Une valeur avant tout sociale et émotionnelle, mais aussi riche en informations.
Et c'est là tout le paradoxe. Car pour mieux vendre son flux, Twitter joue avec la tentation de devenir média : en structurant le flux par l'intégration de personnalités, la mise en scène des images et des trending topics. Tout en conservant sa nature neutre de plateforme du monde en temps réel. Twitter se cherche encore, mais c'est aussi sa force : en structurant les contenus et ses utilisateurs, la plateforme attire de plus en plus de monde et accroit son emprise sur le réel. Mais prend le risque de fausser la donne.
Là où Twitter pourrait aider les journalistes, et donc le public, ce serait, non pas en filtrant le vrai du faux, en censurant les rumeurs ou certains tweets limites, mais en donnant plus de datas : géolocalisation réelle, certification des auteurs, chemin d'une information sur le réseau...
Bref, ne pas casser la pureté du négatif, mais enrichir sa gigantesque base de données pour aider les médias, et les historiens, à construire de meilleurs outils de filtrage et de sélection de l'information.
Ce qui est sûr, c'est que le monde des médias a changé. Et que les terroristes vont désormais tenir compte de ces nouveaux paramètres pour accroître leur impact sur les populations connectées avec moins de moyens, plus d'agilité et de facteur de chaos.
Si tu es terroriste et que tu veux te faire remarquer : choisis un événement filmé par les caméras de télévision, mais choisis aussi un lieu très urbain, où la proportion d'utilisateurs de smartphones et de Twitter donnera à ton attentat la magnitude de chaos (presque) parfaite. Car dans ces "high spots" les caméras sont partout, dans chaque poche, et elles sont connectées en permanence.
Bienvenue dans l'univers des Twitter terroristes.
Article réalisé avec l'aide de Trendsboard.
Article paru sur le Plus du Nouvel Observateur :
Attentat de Boston : bienvenue dans l'univers des Twitter terroristes
LE PLUS. Deux explosions près de la ligne d'arrivée du marathon de Boston ont fait au moins trois morts lundi après-midi. En direct, ce ne sont plus seulement les télés qui ont relayé l'évé...