La leçon de vie et d'entreprenariat de Jean-Louis Etienne
Ce n'est pas tous les jours (enfin, en ce qui me concerne) que l'on a l'occasion de rencontrer un grand homme. Jean-Louis Etienne dégage une humilité rare. J'ai souvent eu le sentiment, au fil de mes rencontres, que plus un être est grand, plus il a rempli sa vie de belles constructions -de celles qui font sens, plus il est humble. Ce qui en dit long sur la plupart des personnalités que nous croisons dans nos sphères parisiennes respectives. Dans le web et la politique notamment !
Pour ceux qui ne le connaissent pas, ou qui on juste entendu parler de ses expéditions incroyables sans retenir son nom, Jean-Louis Etienne est un médecin et un scientifique, mais avant tout un entrepreneur explorateur.
Hier soir, il m'a donné une grande leçon de vie et de rêve. Mais aussi d'entreprenariat.
Jean-Louis Etienne est un manuel, pas très doué à l'école, qui a démarré sa carrière comme ajusteur à l'usine avant d'accumuler les diplômes et les exploits. Il est le premier homme à avoir atteint le pôle Nord en solitair. Une expérience intense, dans des conditions insupportables, seul avec lui même par -50°. La veille il était sur les plateaux de télévision, sur TF1, entouré de caméras, dans le bureau du président de la République. Le lendemain, il se retrouvait seul dans le blizzard au Nord du Canada. Dans le silence et le froid. Une expédition parmi tant d'autres, célèbres, durant laquelle il a été tenté 1000 fois d'abandonner. Il a même songé à se casser la jambe pour pouvoir rentrer la tête haute avant d'atteindre un but qui, par moments, lui paraissait inaccessible.
"Ne jamais abandonner" est sa première leçon. Il dit parfois aux enfants dans les écoles qu'il visite : "qui parmi vous a commencé une maquette d'avion ou de bateau et ne l'a jamais terminée ?" A celui qui lève la main il dit : "termine la. Tu verras, ta vie en sera transformée. Il faut toujours aller au bout d'un projet auquel tu as rêvé."
La seconde leçon : "Restez fidèle à ce que vous aimez". Ne faites pas autre chose.
Il l'accompagne aussi de cette phrase charmante : "Oh, parfois on fait des infidélités à ce qu'on aime. Mais il ne faut pas les renier. Ce sont les infidélités qui remplissent la boîte à outils!" Est-ce que ça s'applique aussi à la vie conjugale ? Hum...
Jean-Louis Etienne est aussi un sage aux yeux brillants, qui démarre chaque projet comme s'il recommençait tout. A chaque projet, c'est un nouveau rêve qui germe en lui, et qu'il essaie de tracer dans le monde. Des mois, des années de recherche de fonds. Son dernier projet est digne d'un roman de Jules Vernes : Avec la Polar Pod Expedition il va cette fois tenter de construire un vaisseau marin futuriste pour dériver autour du pôle Sud : sans dépenser de carburant, juste en se laissant porter par les courants. C'est un bâteau horizontal, rempli de robots ultraperfectionnés qui exploreront l' océan pour tenter de comprendre comment il absorbe le gaz carbonique, pour découvrir et mieux comprendre les espèces qui vivent dans ces régions, et pour découvrir des fonds marins encore inexplorés. Une expédition comparable à l'exploration d'une nouvelle planète.
Il lui faut 5M€ pour réaliser son rêve humaniste et environnemental. Il en a déjà recueilli la moitié. Iil espère lancer la construction du Polar Pod à la fin de l'année. Vous voulez l'aider ? Contactez le sur son site.
Il explique : "il ne faut jamais abandonner quand vous cherchez des fonds. J'essaie chaque jour d'avoir une bouteille à la mer lancée pour le lendemain. Et j'avance comme ça. J'ai une pile de cartes de visites sur mon bureau et, régulièrement, je les reprends et je regarde qui ne m'a pas répondu. Et je relance, sans cesse. C'est comme quand on pêche, il faut sans arrêt envoyer la ligne, on ne sait jamais laquelle sera la bonne."
Ne jamais abandonner, rester fidèle à ce qu'on aime, aborder chaque nouveau projet comme un nouveau commencement, avec la même humilité et le même courage.
Jean-Louis Etienne parle aussi de la difficulté que nous avons, en France, à entreprendre. Entrepreneur ? En France, c'est presque un gros mot. Au mieux, de l'ésotérisme.
A l'école, l'enfant collecte sa pluie quotidienne de mauvais points : "peut mieux faire, ne travaille pas assez, passable". Au lieu de nous encourager sur les moindres avancées : "bravo, good job... et puis ici tu n'as pas réussi mais on va t'aider", on diabolise l'échec... Les élèves perdent confiance et n'entreprennent pas, par peur d'échouer et de perdre la face.
Jean-Louis Etienne n'a pas gagné des millions, mais c'est un vrai entrepreneur. Dont la vie, l'oeuvre est une entreprise. Donc chaque projet porte une dimension industrielle. C'est un constructeur aussi, qui pose chaque pierre l'une après l'autre. C'est un innovateur, qui n'a pas peur du progrès, mais reste fidèle à ses valeurs. Il est de ces entrepreneurs qui prennent des risques énormes, suivent leur rêve et font avancer l'humanité.
Ah oui, une dernière chose. Lors de ce dîner, nous étions moins d'une dizaine. Et Jean-Louis Etienne s'adressait chaque fois à chacun, sans oublier personne. Un homme qui fait attention à ceux qui l'entourent, qui les écoute, s'intéresse, et qui, d'un simple regard, donne le sentiment de remercier en permanence les autres d'être là. Autour de la table, dans sa tête et dans ses yeux, je crois que c'était lui le plus jeune.
Et il aurait pu être dix fois ministre...
(Merci à Google France d'avoir organisé cette rencontre)