Benoît Raphaël

PAYWALL. "Le Soir" propose une nouvelle édition de son quotidien payant... mais en ligne

14 Février 2013 , Rédigé par Benoît Raphaël Publié dans #Le Soir, #belgique, #presse écrite, #paywall, #business model, #daily

Ce n'est pas un nouveau journal mais une nouvelle offre, que propose le quotidien belge Le Soir. Tous les soirs, "Le Soir" (quotidien du matin...) propose une édition de 17h, "Le soir 17h" exclusivement pour tablettes, mobile et ordinateur.

PAYWALL. "Le Soir" propose une nouvelle édition de son quotidien payant... mais en ligne

L'édition de 17h a été développée en "responsive design" (le design s'adapte à votre écran : mobile, tablette, ordinateur) et est donc accessible depuis n'importe quel téléphone ou tablette via un navigateur mobile. L'édition propose une centaine d'articles. Certains sont écrits exclusivement pour le payant. Par contre, pour certains sujets, j'ai trouvé des articles similaires sur le site gratuit, mais écrits différemment (Par exemple la version payante ici diffère assez peu de la version gratuite). D'autres articles sont disponibles également en version gratuite.

Il s'agit donc d'un packaging spécifique pour cette édition avec un mix de contenus exclusifs à valeur ajoutée, de contenus du papier réédités (avec ajouts de photos et vidéo si disponible) et de contenus exclusifs. Il n'y a pas eu d'embauche de journalistes supplémentaires. Par contre la rédaction de 100 journalistes a été réorganisée, comme l'explique Philippe Laloux, directeur des nouveaux médias au site Newsressources.org :

La rédaction d’une centaine de journalistes va s’organiser en trois profils
- 70% de journalistes sur le terrain
- 20-25% d’éditeurs spécialisés sur un format : print, web, tablette
- 5% de chefs.

Tous les journalistes de terrain – enfin la plupart – sont multimedia, dans le sens où ils peuvent travailler pour tous les supports. Nous leur demandons une expertise sur leur matière, et les rendons propriétaire de cette matière. Le chef de service a pour mission d’organiser l’ensemble des supports.

A côté nous avons des éditeurs, qui sont des journalistes expert de la forme répartis en 3 poles d’édition dans la rédaction.

Les 10-12 magiciens de l’édition papier décident des encadrés, des petites infos, et plus largement de la mise en scène des contenus. Aujourd’hui répartis service par service, on les rassemble. Par rapport à l’organisation précédente nous gagnons des postes, et du coup nous pouvons accroitre le nombre de journalistes qui “sortent” dans la rue.

Pour le journal permanent – notre édition en continu sur le web donc – nous avons 7-8 éditeurs pour du 7/7 24/24. C’est le desk web, avec une expertise sur un traitement, des magiciens du live, de l’interactivité, du video, mashup…
Enfin, pour le journal numérique de 17h, deux éditeurs ont été recrutés en interne. Ils ont un profil particulier : sensibles au contenu de type papier avec aussi une agilité numérique certaine.

Newsressources

Il y a donc une rédaction de journalistes de terrain, 70 environ, qui travaillent indifférement pour les trois supports et trois rédactions d'éditeurs dédiés, chacune étant chargée d'éditer les contenus pour son support. Dont 8 pour l'édition gratuite du web.

Une façon de réduire les couts sans baisser la qualité mais en réorganisant la rédaction pour lui donner plus de fluidité.

L'idée n'est d'ailleurs pas d'apauvrir l'offre gratuite, mais plutot d'enrichir l'offre payante, explique Philippe Laloux :

Pour renforcer l’offre payante, il y a une première stratégie que, personnellement, on trouve très très mauvaise : c’est de basculer vers un paywall et de dire tout ce qui est gratuit est désormais payant. Ce n’est pas vendable parce qu’on est dans une information à la durée de vie extrêmement courte. Et donc l’idée, c’est d’enrichir l’offre payante plutôt que d’appauvrir l’offre gratuite.

Blog de Nicolas Bequet

L'AFP annonce déjà 1500 abonnements, mais il s'agit en fait des abonnements numériques à l'offre couplée "newstablette" qui propose pour 23€/mois l'édition du matin + de 17h sur tablettes, avec une tablette Samsung offerte. Comme le précise Bernard Marchand (patron du groupe Rossel) au Figaro :

Ce n'est pas aberrant : le marché publicitaire belge est très petit, et il est en stagnation pour les éditions numériques du groupe Rossel (propriétaire du Soir.be et de nombreux quotidiens régionaux).

Le Soir diffuse à 75.000 exemplaires, ce qui n'est pas mal vu la taille du pays. Mais la diffusion papier est en baisse. Le quotidien cherche donc à se développer sur le payant et s'il parvient à le faire sans surcoût, il y aura des rentrées supplémentaires à la clé.

La recette du modèle économique de la presse d'aujourd'hui, ce n'est pas un combat entre gratuit et payant, c'est d'abord une question d'organisation.

Et la recette du payant, ce n'est pas la vente du contenu, mais de comprendre pourquoi et comment les lecteurs achètent. Phlippe Laloux semble l'avoir bien compris :

Tu peux écrire le meilleur article du monde, je crois que cet article, il ne vaut pas un balle. Ce qu’on vend ce n’est pas un article, ce n’est pas un produit, c’est le service, un accès à l’information. Pour quelques euros par mois, vous avez un accès à une sélection hiérarchisée d’information à haute valeur ajoutée sur le support de votre choix, partout, tout le temps. Et ce service-là, il a un prix.

Blog de Nicolas Bequet

C'est ce que j'expliquais déjà en 2010 sur les modèles économiques de la presse en ligne. Le payant peut-être une brique stratégique du modèle, plus encore aujourd'hui qu'hier, à condition de ne pas s'en faire une religion, mais d'en faire un des rouages d'un écosystème qu'il faut aborder dans toute sa complexité.

C'est cette complexité croissante qui doit imposer à la presse une approche adaptée, combinée, en fonction de son écosystème local ou de niche, de la force de sa marque et de ses effectifs, certainement pas un modèle unique.

Pour une grande partie de la presse en ligne c'est la combinaison d'un gratuit bien pensé (qui apporte le marketing et la pub), du payant (vu comme un service) mais surtout de la réorganisation (baisse des coûts et amélioration des process en "reverse publishing" c'est à dire du digital vers le papier) qui assurera le succès de cette fameuse "transition numérique".

Mais comment Le Soir a-t-il managé cette nouvelle organisation ? La suite demain sur la Social Newsroom !

PAYWALL. "Le Soir" propose une nouvelle édition de son quotidien payant... mais en ligne

Pour comprendre comment "Le Soir" s'est organisé, lisez l'interview de Philippe Laloux sur la Social Newsroom :

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