Polémique Ask.fm : Faut-il fermer tous les réseaux sociaux ?
La question est stupide. Mais si on remplace réseaux sociaux par "Ask.fm", bizarrement, elle le parait moins. C'est la magie de l'emballement médiatique.
Après le suicide d'Hannah Smith, une adolescente qui s'est pendue après avoir été insultée sur le réseau social pour jeunes Ask.fm, la vieille polémique du méchant Internet est de retour.
Mercredi, certains sites d'information n'hésitaient pas à titrer que le site était responsable de la mort d'adolescents.
"Internet m'a tuer" Cette rengaine est presque aussi vieille que le web.
Et quand il ne tue pas, Internet est raciste ou pédophile.
Bien.
Ce matin, le Daily Mail demande la fermeture du site sur sa Une.
Ok.
Plus intéressant : un certain nombre de marques britanniques ont retiré leurs publicité du réseau social, affirme encore le Daily Mail.
Car la question n'est pas de savoir s'il faut interdire un site parce que des gens s'y insultent et que des adolescentes se suicident parce qu'on leur a dit : "bois de l'eau de javel" ou "sale pute".
On a entendu pire dans les cours d'école.
Il est vrai que sur Ask.fm quand on veut insulter ou menacer, on peut le faire anonymement. Ce qui est une porte ouverte à tous les débordements. Se pose évidemment la question de la responsabilité des utilisateurs qui harcèlent. Je rappelle qu'ils ne sont en fait jamais vraiment anonymes sur Internet (le site conserve les IP). Mais comment les poursuivre alors que le site (qui est basé en Lettonie) échappe à la législation française ? C'est un débat plus complexe auquel j'ai déjà apporté ma contribution il y a quelques mois.
Et puis les utilisateurs peuvent facilement interdire les réponses anonymes à leurs questions en allant dans les réglages.
C'est même super clair. Il suffit de cliquer sur le gros onglet "VIE PRIVEE" dans les réglages et, hop, plus d'insultes anonymes.
Alors faut-il fermer Ask.fm ? Autant fermer tous les réseaux sociaux. Allez, et puis autant fermer Internet puisqu'il s'y passe tant d'horreurs.
Plus sérieusement, la vraie question est plutôt là : si elle veut survivre, la société Ask.fm doit-elle mieux contrôler ce qui se raconte sur son site ?
Qu'est-ce que Ask.fm ? Bizarrement, la France connait assez mal ce nouveau réseau social qui est pourtant devenu en quelques mois le 10e réseau social mondial avec 53M d'utilisateurs contre 5 millions en Avril 2012.
Il n'y a même pas de page Wikipedia en français sur le sujet.
Pourtant, en France, 2,7% des internautes y sont inscrits. C'est énorme. 1,3M d'ados. C'est le troisième réseau social français derrière Facebook et Twitter, assure le Monde.
Ask.fm fonctionne un peu comme Twitter, avec un système d'abonnement et des messages généralement assez courts. La seule différence, c'est que vous ne "tweetez" pas au hasard, vous répondez aux questions que d'autres utilisateurs viennent poster sur votre page. C'est simple. Plutôt malin. Des millions de jeunes s'y amusent. Parfois cruellement. Une excellente cible pour les marques.
Si Twitter est le bistrot de l'Internet, Ask.fm en est plutôt la cour de récréation. Et le succès de ce réseau social s'explique lui aussi parce que la parole y est libre.
Jusqu'à ce que le site commence à essayer de gagner de l'argent. Les marques aiment les jeunes, mais n'ont aucune envie de s'afficher dans un espace où on s'insulte. Ce n'est pas toujours le cas, la plupart du temps les questions sont assez vides mais plutôt gentilles. Mais parfois ça dérape fort... MySpace a déjà rencontré ce problème en son temps. Pas assez "quali", comme on dit.
Or la plupart des réseaux sociaux l'ont compris : la clé c'est le contenu. Tous, Facebook compris, se rendent compte qu'ils doivent se développer dans une logique de média avec un minimum d'animation. Twitter, YouTube, Facebook le font déjà en invitant les stars à venir s'exprimer sur leurs plateformes.
Alors non, il ne faut pas interdire Ask.fm. Mais Ask.fm devrait sérieusement réfléchir à faire un peu de ménage chez lui pour faire en sorte que les jeunes qui y ont trouvé une seconde maison s'y sentent un peu mieux. Et que les marques y trouvent leur place. Ask.fm est un énorme succès. Mais si elle veut gagner de l'argent, la start-up lettonne va devoir investir un peu dans un système de modération. Au minimum dans des algorithmes d'alerte, pour les cas flagrants de harcèlement.