Benoît Raphaël

Polar Vortex : comment éviter de se faire piéger par de fausses photos sur les intempéries

8 Janvier 2014 , Rédigé par Benoît Raphaël Publié dans #User Generated Content, #Média participatif, #réseaux sociaux, #Fact Checking, #Polar Vortex, #Twitter, #just delivered, #Daily

Si vous vous intéressez un peu aux réseaux sociaux ou à ce qu'on appelle l'UGC, (pas le cinéma, le "User Generated Content", le "contenu généré par l'utilisateur"), vous aurez noté que les "gens" adorent poster des photos des intempéries sur les réseaux sociaux. Bon, c'est vrai, la plupart du temps, c'est parce que c'est la chose la plus facile à prendre en photo sans faire d'effort. D'où le nombre cosmique de photos de neige sans aucun intérêt envoyées sur les plateformes de partage des médias. Mais il y a aussi quelques perles.

Et il y a aussi de fausses photos. Soit parce qu'elles sont truquées, soit parce qu'elles sont plus vieilles qu'elles ne veulent l'avouer... Le problème c'est qu'une fois qu'une photo est postée par un internaute, vu que tout le monde est média en ce bas monde du web, la photo peut rapidement devenir LA photo, jusqu'à ce qu'un esprit un peu tatillon vienne briser la poésie des Internet pour dire : "Fake !" 

L'autre problème, plus ennuyeux, c'est que, entre temps, la photo a déjà été publiée dans les médias. Parce que certains journalistes font parfois autant d'efforts que nos internautes photographes de la neige dans leur jardin : c'est à dire aucun. Ils prennent ce qui passe devant leur fenêtre.

Par exemple, un fake qui a pas mal buzzé sur le web aux Etats-Unis, selon Trendsboard, montre une mignone petite bâtisse typique du Nord des Etats-Unis sur le lac Michigan, près de Chicago. Vous noterez le joli effet provoqué par la glace qui la transforme en une sorte de sculpture tout droit sortie de la Reine des neiges.

 

Polar Vortex : comment éviter de se faire piéger par de fausses photos sur les intempéries

La photo, postée sur Twitter le 7 janvier a généré pas mal de "Oh My God", et autres "Holy Crap".

Sauf qu'elle est fausse. Enfin, pas vraiment. Elle date en fait de l'an passé, souligne le site Mashable qui a mené "l'enquête" (hum).

Plus drôle, la vraie photo, celle qui montre ce joli bâtiment sous la glace actuellement, est bien plus impressionnante.

Polar Vortex : comment éviter de se faire piéger par de fausses photos sur les intempéries

La seconde photo est peut-être moins "jolie", je veux dire il n'y a pas de ciel bleu derrière par exemple... Allez savoir. Il n'y a pas de vraie logique. Il suffit qu'une photo tombe entre les mains d'un Twittos (utilisateur de Twitter) avec beaucoup de followers (abonnés) pour que la machine s'emballe. En général, le même système qui a fait décoller le buzz a aussi ses vertus : le fake est rapidement repéré. Encore faut-il que la contre-info refasse le tour en sens inverse de ceux qui ont publié le fake auparavant...

Même phénomène en début de semaine avec cette photo impressionnante des chutes du Niagara "gelées".

Polar Vortex : comment éviter de se faire piéger par de fausses photos sur les intempéries

Bon. Tous ceux qui connaissent les chutes du Niagara seront un peu moins surpris. Il n'est pas rare, lorsqu'il fait grand froid (ce qui arrive assez souvent dans le Nord des Etats-Unis voyez-vous), que de gros blocs de glace flottent autour des chutes. D'ailleurs ici les chutes ne sont pas gelées, c'est la surface de l'eau qui transporte les glaçons. Passons.

Toujours est-il que cette photo n'est pas bonne. Elle date de 2011, autre période de grand froid dans la région. Aujourd'hui, il y a aussi des glaçons autour des chutes, mais moins. Ce qui, cela dit en passant, relativise l'apocalypse en mode "Le jour d'après" que la presse française semble découvrir chez nos amis Américains.

Le fake a été décrypté par un journaliste du nouvel Observateur qui a eu la bonne idée de révéler quelques unes de ses méthodes de vérification.

En fait, une simple recherche dans Google Images suffisait à montrer que cette photo avait été publiée bien avant le mois de janvier 2014... Pour ceux qui ne le savent pas, vous pouvez envoyer une photo dans le moteur de recherche et il vous trouvera les photos équivalentes. Un bon premier réflexe pour vérifier la "fraicheur" d'une image.

Les écoles de journalisme et les médias concentrent un peu trop leurs efforts sur la narration digitale, et oublient parfois que la vraie révolution digitale pour les journalistes ce n'est pas la narration, l'écriture cross-plateforme comme on dit, mais la collecte, le tri, et la vérification de l'immense richesse de données apportées par le web. Très souvent, les médias se content de l'écume, même pas la face émergée de l'iceberg, en ignorant totalement les ressources de cette incroyable mine d'informations.

La plupart du temps d'ailleurs, beaucoup se content de dire : de toute façon, sur Internet, il y a beaucoup de bêtises.

Internet est une matière brute, qu'il faut savoir creuser. Pour cela il faut de la méthode, mais aussi des outils, notamment algorithmiques et sémantiques. Il y en a encore trop peu.

L'agence de presse Associated Press a diffusé récemment à ses équipes une méthodologie pour vérifier l'information émergeant sur les réseaux sociaux. Je la partage avec vous parce qu'elle pourra vous être utile, que vous soyez journaliste, community manager, ou simple citoyen. C'est un bon début pour aborder l'univers impitoyable, mais fabuleux, du User Generated Content.

Polar Vortex : comment éviter de se faire piéger par de fausses photos sur les intempéries

Je traduis :

1. Prenez l'exemple le plus récent

2. Vérifiez l'historique social de la source

3. Posez leur des questions

4. Confirmez et vérifiez la source originale

5. Demandez la permission d'utiliser le contenu

6. Comparez le contenu avec les informations d'AP

7. Vérifiez le contenu avec des experts régionaux

8. Vérifiez le langage avec les experts

9. Vérifiez le contenu et le contexte

Bon, c'est un peu long et compliqué, et plus adapté aux infos qu'aux photos, mais un peu indispensable pour une agence de presse qui va ensuite délivrer cette info à des milliers de médias.

L'image vient du Washington Post, qui a publié cet été ses conseils pour éviter de se faire piéger, comme à chaque nouveau phénomène climatique.

Beaucoup de simple conseils de bon sens et de vigilance. Le journaliste souligne d'ailleurs, qu'avec un minimum d'efforts, on peut venir à bout d'une vaste majorité de fake.

Pour une photo, commencez par un simple Google Images. Ou par TinEye. Pour vérifier les données d'une photo, il existe des plugins que vous pouvez installer sur Firefox ou Chrome, comme "Exif Viewer"

Bonne chasse !

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