#jesuischarlie : que peut faire Internet ?
Je vais essayer de faire court. Il y a déjà eu tellement de messages Twitter, Facebook, de photos Instagram, de chroniques, de communiqués, de billets de blogs, d'interviews, de dessins, d'affiches brandies dans la rue, en silence d'abord, puis avec des chants, qu'il pourrait paraître inutile d'en rajouter, surtout moi. Qu'ai-je à dire de plus ?
Mais je pense que c'est bien.
Autant l'infobésité peut parfois rendre l'information plus opaque, autant cette fois, il faut faire du bruit. Le contenu des messages a ici autant d'importance que leur capacité à créer une immense vague. Contre l'obscurité. Contre cet autre vent qui veut annuler la liberté, l'esprit frondeur, l'esprit de la France, et ces élans formidables d'empathie, de richesse d'expression, de partage et d'empowerment que je vois se libérer grâce à Internet depuis quelques années.
Le massacre opéré à Charlie Hebdo attaquait plusieurs symboles. Sans bien les comprendre. Sans les comprendre, au fond. Sans comprendre aussi que ces symboles, la liberté, la liberté de la presse, le courage, le besoin de sens, la nécessité de rire, la générosité, et la profonde humanité derrière la caricature féroce, font aussi partie de ce nouveau monde, autant que la haine, le désespoir et le repli sur soi.
Cette nuit, à minuit, voici les mots les plus tweetés dans le monde, cartographiés par Trendsmap. C'était mon premier sourire, après une journée d'effroi :
Je parle en tant que journaliste, blogueur et entrepreneur, mais aussi en tant que citoyen. Un citoyen du monde, mais aujourd'hui profondément Français, Français comme un symbole, et qui ne s'est jamais senti aussi libre et optimiste depuis qu'il a rencontré Internet. Cette incroyable invention qui relie les gens, étend les libertés, augmente le savoir et l'empathie.
Alors que pouvons nous faire, nous, citoyens, nous internautes, forts de ce nouveau pouvoir, face à ce que certains Français ont appelé "notre 11 septembre" ?
Nous pouvons faire tellement. Tellement depuis que nous sommes connectés.
C'est la liberté d'expression qui a été attaquée. La liberté de la presse. Les médias. Et nous avons ressenti hier l'urgence d'être plus forts que jamais. La force, la diversité, l'indépendance des médias, c'est notre meilleure arme contre l'obscurantisme et le fanatisme.
Il faut investir dans les médias. Il faut les moderniser pour les rendre plus forts. Pour les rendre plus rentables. Et plus indépendants.
Il faut surtout que les citoyens que nous sommes participions à cette aventure : en les soutenant, en les challengeant mais avec affection. En finançant, via le crowdfuning, un maximum de projets médias, en nous abonnant aux médias, aux médias locaux, aux médias nationaux. En nous abonnant, bien sûr, à Charlie Hebdo.
Et ils faut que les médias comprennent que leur meilleur soutien, ce sont les citoyens, qui sont tous internautes. Et qu'il faut les rendre plus que lecteurs, il faut les rendre acteurs. Il y a plein de façons de le faire. Et encore plus à inventer.
Il faut aussi, chacun de notre côté, ensemble, créer des millions de Charlie Hebdo. C'est la force d'Internet. Celle de multiplier. Et celle de maintenir des voix, en les répétant ailleurs, à l'infini, quand on tente de les briser.
Et il ne faut jamais plier les genoux, comme disait Charb. Pas comme le Daily News, comme le Telegraph, qui ont surfé sur le buzz mais en floutant ou en cachant les couvertures controversées de Charlie Hebdo. Ultime insulte d'une profession qui se met à genoux. Tandis que les autres, médias, mais aussi la foule internaute, et celle dans la rue, brandissait ces mêmes Unes dans un magnifique : "Même pas peur !"
Applaudissements devant la pancarte not afraid. "Même pas peur!" #CharlieHebdo pic.twitter.com/vPccmWbrLZ
— Adrien Sénécat (@AdrienSnk) 7 Janvier 2015
(Et si vous vous demandez qui est à l'origine de ce logo repris dans le monde entier, "Je suis Charlie", il vient d'un internaute)