Benoît Raphaël

J'ai testé Netflix et CanalPlay, mais on s'en fout

16 Septembre 2014 , Rédigé par Benoît Raphaël Publié dans #netflix, #CanalPlay, #télévision, #streaming, #big data, #sémantique

Hier, le tout Paris numérique bruissait de l'événement de la rentrée : l'arrivée du géant Netflix qui doit détruire la télévision, Canal+ par exemple.

Hier soir, tous les pique-assiettes (bon, il y avait aussi quelques pros... ) se sont rués sous le Pont Alexandre III pour la soirée de lancement. Objectif : publier un check in sur Facebook avec le photomaton rigolo mis à leur disposition. On ne comprend pas bien ce qu'il se passe mais on fait partie de l'événement. "On y est". Bref, Netflix, c'est le Burger King des gens du digital et de la télé.

Hier il y avait aussi les pro-américains "parce que de toute façon tout ce qui vient des Etats-Unis c'est la révolution et la France c'est ringard", et les pro-Canal parce que "y en a marre de ces gens qui sautent de joie dès que quelque chose vient des Etats-Unis".

Et puis il y a eu les blogueurs et les journalistes qui ont pris un abonnement gratuit, genre je vais sur le terrain là, je teste la révolution, je donne mon avis objectivement. Forcément un peu déçus. Le choix n'est pas dingue. Même si l'on note quelques différences avec son clone français Canal Play, lancé par Canal+. En gros c'est un peu mieux, l'interface est cool, il y a des films aussi vieux que sur Canal Play mais un peu mieux quand même, parfois, mais des fois c'est sur Canal Play où c'est mieux. Et, non il n'y a pas House Of Cards parce que la série a été vendue à Canal Plus et, non, il n'y a pas toutes les séries et les films que tout le monde va continuer de télécharger illégalement parce qu'il n'y a juste pas d'offre d'abonnement légale disponible en France pour les gens qui veulent voir des oeuvres récentes.

Bon.

Mais alors.

Netflix c'est la révolution non ?

En fait, oubliez l'interface, qui est cool, oubliez le catalogue qui, vu la complexité et l'archaïsme des lois sur les droits combinées au protectionnisme des chaînes de télé qui continuent de privilégier la diffusion TV au streaming, restera lacunaire et donc décevant pour le consommateur.

Oubliez.

Ce qu'il faut comprendre, c'est que la révolution ne vient ni de l'interface, ni de la comparaison de l'offre avec celle de Canal+.

Non, la force de Netflix, c'est la data.

N'oubliez pas, le fondateur de Netflix, avant d'être un homme d'affaires, est d'abord un diplômé en mathématiques et en intelligence artificielle.

N'oubliez pas que la force de l'interface de Netflix, c'est son algorithme de recommandation, qui analyse vos goûts et vos usages pour vous proposer le meilleur de son catalogue de vieilleries.

N'oubliez pas que Netflix, c'est un chiffre d'affaires d'1,3 milliard de dollars, dont près de 300 millions en Europe.

Et n'oubliez pas que Netflix, fort de ce pactole qui explose chaque année, achète désormais ses propres séries, demain ses propres programmes. Et que son blockbuster "House Of Cards" tient aussi compte des millions de données que Netflix, très impliqué dans la production de ses séries, récupère chaque minute grâce à son algorithme d'analyse de centres d'intérêt et de recommandation.

La décision d'achat de House Of Cards est le résultat de trois packs d'analyses de données : le succès sur son réseau de cette vieille série british "House of Cards" que tout le monde avait oubliée, le succès des films de David Fincher, et celui des films où Kevin Spacey était acteur.

J'ai testé Netflix et CanalPlay, mais on s'en fout

Ajoutez-y des tas de données concernant la colorimétrie des affiches de films, plus une grosse pincée de talent (parce que si les datas poussent autant David Fincher et Kevin Spacey, c'est qu'ils sont aussi de grands artistes), et vous obtenez une production d'un nouveau genre : data-driven, et diffusée dès sa sortie sur le réseau Netflix. Et comme les datas ont analysé que les internautes adoraient regarder les épisodes à la suite (on appelle ça le "binge watching"), la série est proposée en entier, dès sa première diffusion.

La révolution télévisuelle se situe bien là. Ça prendra un peu de temps à s'installer chez nous (blocages, pré-carrés, etc) mais ça viendra. Ne nous trompons pas de combat. La guerre que les chaînes de télé ont à mener, ce n'est donc pas seulement celle de la distribution, des droits ou du streaming. Mais celle des données. Et sur ce point, la France a encore un peu de chemin à faire.

J'ai testé Netflix et CanalPlay, mais on s'en fout
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