Benoît Raphaël

Google et la presse française : le bon accord?

4 Février 2013 , Rédigé par Benoît Raphaël Publié dans #google, #presse écrite, #france, #analyses, #weekly

Finalement, les éditeurs de presse français auront réussi à faire plier Google. Le moteur de recherche devra créer un fonds de 60M€ dont l'objectif est d'aider la presse d'information politique et générale à développer de nouveaux projets numériques. Les pure-players pourront également bénéficer de cet accord.

Est-ce que c'est bon pour la presse ? C'est clairement une première mondiale et une victoire pour les éditeurs français. Cette aide viendra se rajouter, il faut le rappeler, aux nombreuses aides offertes par l'Etat à la presse française. Lesquelles constituent aujourd'hui près de 10% de son chiffre d'affaires.

Il est évidemment important de soutenir la presse dans sa transition numérique : cette transition est difficile et Google est sans doute un meilleur partenaire que l'Etat pour aider des éditeurs étouffés par des organisations inernes inadaptée et des capacités d'investissement réduites à une peau de chagrin.

Mais soyons réalistes : la presse d'information politique et générale, qui a toujours perdu de l'argent, a toujours compté sur les aides (de l'Etat ou de bienfaiteurs) pour survivre. Elle perd des lecteurs depuis la fin de la seconde guerre mondiale, c'est à dire 50 ans avant l'arrivée de Google. A l'époque, elle accusait la radio et la télé de piller ses contenus.

Source JTI (via SIPA/Ouest France)

Source JTI (via SIPA/Ouest France)

Que Google, qui a toujours eu une politique d'accompagnement du progrès à travers différents fonds, dans le domaine de la santé ou de la technologie, accompagne les producteurs des contenus est une bonne chose. Google a besoin de contenus de qualité pour donner de la valeur à ses outils de distribution. Cet accord est aussi une victoire pour Google.

Il aurait été plus sain cependant, que ce partenariat se fasse dans une logique plus économique, sinon commerciale. Car ce n'est pas tant d'aides dont la presse a besoin, que de revitaliser son modèle d'affaires. Et cette revitalisation commence par la mutation profonde de son modèle de production.

Pas sûr que cette manne exceptionnelle l'incite à accélérer cette révolution intérieure. Nous verrons.

Enfin, il y a la logique bancale sur laquelle se fonde cet accord : l'idée que toute entreprise web qui créerait de la valeur sur la base du référencement (en faisant un lien vers ces contenus) ou de l'analyse des contenus d'autrui (et cela concerne la presse, les blogs, la télévision mais aussi la musique et la photo) doive payer ces contenus est intenable. D'abord parce que l'économie de la production de contenus est de plus en plus distribuée, ce qui rend ce type de logique extremement délicate à orchestrer de façon générique. De plus, on ne peut pas d'un coté organiser le référencement de ses contenus pour augmenter le trafic (en payant parfois des sommes colossales) et imposer à ces memes référenceurs un péage. On pourrait preque imaginer l'inverse : que le référenceur fasse payer la distribution de ces contenus pour qu'ils puissent toucher un maximum de personne. Ce qui n'est pas dans la logique de Google (mme si le moteur de recherche n'est pas complètement clair dans sa politique de neutralité).

Twitter fait payer le traitement de ses données, mais il s'agit là d'une démarche commerciale claire (on paie pour avoir accès aux contenus archivés). elle n'est pas issue d'un bras de fer politique s'appuyant sur la menace de la création d'une taxe par l'Etat. Vieille tradition française. Et aveu de faiblesse.

C'est l'arrière plan politique, et non économique, de cet accord qui me laisse craindre que ces 60M€ pourraient bien n'etre qu'une goutte d'eau de plus dans l'océan de pertes de la presse française. Espérons tout de meme qu'il permettra à Google d'aider les éditeurs à mettre en place de meilleures stratégies. C'est à dire des modèles mieux adaptés à l'écosystème digital, pour monétiser et distribuer plus efficacement la production d'informations en France. Comme Google le fait actuellement avec les médias et boites de production à travers son programme de pré-financement sur YouTube. Ici pas de taxes, ni de fonds, mais un pré-financement sur dossier et un accompagnement.

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