Benoît Raphaël

#avantdemourir : peut-on réussir une campagne de prévention routière sans choquer ?

9 Avril 2014 , Rédigé par Benoît Raphaël Publié dans #marketing, #buzz, #réseaux sociaux, #Sécurité routière, #France, #analyses, #Prévention routière

C'est la première fois que dans le cadre de la prévention et de la sécurité routière on lance une campagne soft sur Internet pour lutter contre la violence sur les routes.

L'opération #avantdemourir, de la Prévention routière, cherche à sensibiliser les jeunes face à l'alcool au volant en jouant la carte des rêves et de l'humour, et visant le participatif sur les réseaux sociaux. Un peu plus au Nord, son équivalent belge a été beaucoup plus trash, en lançant la veille une campagne en mode caméra cachée qui invitait les jeunes à assister à leur propre enterrement. Résultat : énorme buzz chez les Belges, même en France, selon les analyses de Trendsboard. Beaucoup plus que le gentillet #avantdemourir. Alors, la sécurité routière est-elle condamnée au gore ?

En fait, la vraie question reste celle de l'efficacité. Le buzz est-il synonyme de réussite ? En gros, si les campagnes 2010 ("Insoutenable") et 2012 (une vidéo violente en noir et blanc), réalisées elles par la Sécurité routière (qui dépend de l'Etat) ont été largement partagées, ont-elles fait baisser le nombre de morts sur la route ? Pas sûr. Les chiffres ne nous disent rien. Même s'ils ont baissé depuis 2002. Il y a eu plein d'autres facteurs. Il y a deux ans, les lecteurs du Parisien affirmaient le contraire : 65% des votants estimaient que les campagnes choc n'étaient pas efficaces.

En 2010, le psychologue Christophe Allanic craignait même un effet pervers et dangereux sur les jeunes, premiers destinataires de ces campagnes, en générant une curiosité malsaine. Sans parler du risque de saturation.

En Espagne et aux Etats-Unis, on a parfois choisi l'humour pour toucher les jeunes. Le taux de mémorisation de l'humour est supérieur à la violence, estimait en 2012 la présidente de la ligue contre la violence routière.

Cette année, la Prévention routière (à ne pas confondre avec la Sécurité routière, qui dépend de l'Etat) a préféré sortir une carte plus légère et positive, en s'attaquant aux rêves des jeunes. #avantdemourir s'inspire d'un projet artistique lancé par l'Américaine Candy Chang : "Before I Die". Les internautes sont invités à partager leurs rêves sur les réseaux sociaux. Parfois accompagnés d'une photo. Comme d'autres personnalités du web, j'ai ainsi reçu hier, par coursier, une ardoise, me demandant d'écrire ce que j'aimerais faire avant de mourir. J'ai trouvé l'idée amusante, et la cause utile. Alors moi aussi j'y suis allé de mon rêve :

#avantdemourir : peut-on réussir une campagne de prévention routière sans choquer ?

Finalement, ce petit exercice marketing m'a permis, le temps d'un selfie, de me poser la question de ce qui faisait sens pour moi, tout en jouant le clin d'oeil : "Rester vivant". C'est à dire ne jamais abandonner, profiter de l'instant présent, saisir chaque chance... Finalement, la perspective de la mort donne sens à tout ce que l'on fait.

D'autres ont été beaucoup plus drôles. A commencer par Cyril Hanouna et Jacques Séguéla :

#avantdemourir : peut-on réussir une campagne de prévention routière sans choquer ?
#avantdemourir : peut-on réussir une campagne de prévention routière sans choquer ?

Et sur Twitter, de nombreuses petites phrases. Autant de signaux nous renvoyant une image brouillonne mais touchante des rêves de la génération Y et de celle qui suit.

L'opération prévoyait également l'installation d'un grand tableau devant une université, ouverte à la participation de chacun.

#avantdemourir : peut-on réussir une campagne de prévention routière sans choquer ?

Moins de buzz que la campagne belge ou néo-zélandaise, donc. Mais plus d'engagement. Plus d'empathie. Et, toutes proportions gardées, un peu plus de compréhension, pour la Sécurité routière, de ce qui anime les jeunes.

Et finalement, ce n'est déjà pas si mal.

Au moins une bonne base pour engager un vrai dialogue, plutôt que de la jouer pur buzz marketing et prendre le risque de parler dans le vide. Cela ne fera peut-être pas baisser directement le nombre de morts (la solution est peut-être plus à trouver du côté de l'éducation par les parents), mais aura eu le mérite d'installer, avec cette ingéniosité qui séduit tant le peuple de Twitter et Facebook, le sens et l'échange au coeur de la campagne.

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