Benoît Raphaël

L'initiative de cette grande banque pourrait changer votre regard sur la crise et sur la communication

8 Septembre 2014 , Rédigé par Benoît Raphaël Publié dans #BNP Paribas, #Brand content, #content marketing, #Finance, #marketing

Il assez rare que je réponde positivement aux sollicitations par mail pour parler de tel ou tel projet. Alors quand une agence digitale m'a contacté pour découvrir l'exposition Wave, imaginée et produite par BNP Paribas, j'ai mis un bon moment avant de répondre. Puis j'ai cliqué sur le lien. J'ai trouvé l'initiative séduisante. Bon... Je me suis dit qu'il s'agissait d'une énième opération de com' d'un géant de la finance jouant sur la solidarité pour effacer la mauvaise image que le secteur trimbale depuis la crise financière... Rien de nouveau. Un peu vain, je me suis dit.

Mais je voulais en avoir le coeur net. C'était les vacances, je n'avais pas grand chose d'autre à faire. Alors j'ai demandé à rencontrer l'artisan du projet. C'est là que j'ai rencontré Agnès Zevaco.

Je vous avoue que je m'attendais à rencontrer une directrice com qui allait me sortir le baratin classique sur la "responsabilité éthique" de l'entreprise, blablabla. J'ai vraiment trainé la jambe pour me rendre au rendez-vous. En fait, j'avais plutôt envie de me faire un ciné...

Et là, surprise, je suis tombé sur une femme passionnante, Agnès Zevaco, qui ne veut pas que je parle d'elle mais du projet, et qui monte des projets pour BNP Paribas depuis des années. Une femme complètement habitée par ce qu'elle fait. Et là je me suis dit : si une institution financière parvient à avoir dans ses rangs des artisans de l'ombre comme Agnès, c'est qu'il y a un peu d'espoir.

Elle m'a démontré, en moins d'une heure et quelques cas concrets, pourquoi les grandes entreprises devaient changer radicalement d'attitude vis à vis du monde qui les entoure et de la situation économique mondiale.

J'ai trouvé ça innovant, inspirant, puissant, j'y ai trouvé l'application concrète, par une grande entreprise, de ce que je prône depuis plus d'un an sur la nécessité pour les marques de passer du seul marketing du message à celui de la relation, parce que tout le monde avait à y gagner : nous, eux, et le monde en général.

L'exposition Wave va dans ce sens. Et même là où les esprits chagrins pourraient y voir de la démagogie et de l'opportunisme dans la communication, je décèle surtout un exemple pour les entreprises d'aujourd'hui, sur la manière dont elles doivent se comporter face à la crise.

Bref. Wave est un événement centré autour de l'ingéniosité collective : une économie montante qui s'appuie sur la solidarité, la créativité et les réseaux. Sur des entreprises et des individus qui essaient, en cette période de crise éthique et économique, de "faire plus avec moins". Ce n'est pas le premier projet porté par BNP Paribas. C'est le plus important. Deux autres l'ont précédé. Qui vont dans le même sens et dont les résultats sont très encourageants.

Le projet de pavillon de l'expo Wave qui aura lieu le 9 septembre à Paris.
Le projet de pavillon de l'expo Wave qui aura lieu le 9 septembre à Paris.

Le projet de pavillon de l'expo Wave qui aura lieu le 9 septembre à Paris.

Le premier s'appelait "Women Changing India" et concernait les femmes en Inde. Au départ, c'était surtout un projet de communication pour les 150 ans de la présence en Inde de BNP Paribas. La banque a toujours été très active en Inde, mais au travers d'autres marques que la sienne. "Pour faire parler positivement de la marque, nous nous sommes dits que la publicité n'était pas le moyen le plus efficace", raconte Agnès. "C'est plus fort d'entendre parler de la marque dans un média à travers à un article fort, qui fait sens, qu'à travers une simple pub". Agnès Zevaco a donc fait une rencontre. Tous les projets sur lesquels elle a travaillé sont partis d'une rencontre. D'une synchronicité efficace et intelligente, aux conséquences imprévues. Agnès a donc rencontré "une femme extraordinaire", qui lui a fait comprendre que la vraie force de l'Inde de demain, c'était les femmes. Dans un pays réputé machiste, le thème était séduisant.

Est donc née l'idée d'une exposition itinérante dans tout le pays, "Women changing India", en collaboration avec l'agence photo Magnum, pour raconter des histoires de femmes qui bouleversent positivement l'économie indienne.

L'affiche de l'exposition "Women Changing India", lancée en 2010.
L'affiche de l'exposition "Women Changing India", lancée en 2010.

L'affiche de l'exposition "Women Changing India", lancée en 2010.

Résultat : un gros succès en terme de retombées presse. Mais ce n'est pas le plus intéressant. L'opération a permis de créer des contacts au sein de la communauté indienne, à tous les échelons. L'expo a tourné également au Japon, où l'ambassadrice de l'Inde, s'est emparée du sujet et l'a envoyé à toutes les ambassades dans le monde. "En terme de réseau, ça n'a pas de prix, et ça crée du sens en interne comme en externe."

En résumé, BNP Paribas a créé un média, au sens premier du terme : une expo, un livre, un site web, et un réseau qui s'est constitué autour de ces contenus.

Le second projet était plus centré sur la France. Intitulé "Les audacieux", l'exposition s'intéressait à ces Français qui se sont retrouvés emportés dans une spirale négative jusque dans la rue, sans rien, et qui sont remontés grâce à la création d'entreprise et au micro-crédit. Simple communication éthique de la part d'une banque qui essaie de se donner une image éthique en pleine crise financière ? L'idée était sans doute bienvenue, mais elle a vite dépassé la simple communication.

Le catalogue de l'expo "Les audacieux", publié en 2012.

Le catalogue de l'expo "Les audacieux", publié en 2012.

"Vous savez, on en est plus là", estime Agnès Zevaco.

"Ce monde où les entreprise faisaient de la solidarité pour leur image est terminé. La crise est tellement grave qu'il faut qu'on se retrousse les manches et qu'on y aille."

Cela veut dire : créer du réseau, mais aussi participer à réactiver l'économie en allant chercher des solutions nouvelles."

Tout ça aurait pu rester l'initiative de quelques illuminés au sein d'une branche sympathique lorsqu'on a dit à Agnès : tes projets, c'est bien, mais il faudrait voir plus grand.

C'est comme ça qu'est né le projet "Wave". Qui débutera par un grand événement à Paris, mais qui pourrait aller bien plus loin, tant l'idée à enthousiasmé l'ensemble des partenaires impliqués.

Le projet a même tellement passionné le MIT aux Etats-Unis, que le prestigieux organisme a proposé de réaliser un jeu interactif pour l'exposition... gratuitement.

De quoi s'agit-il ? Tout est né d'une rencontre, encore une fois, à San Francisco, avec Navi Radjou. Un Français d'origine indienne, consultant en innovation et leadership, basé dans la Silicon Valley et membre du World Economic Forum. Son dernier bouquin, préfacé par Carlos Ghosn, le patron de Renault, parle de l'innovation "Jugaad". Un terme indien qui pourrait se traduire par "bricoleur". Un terme plutôt négatif en France, mais qui est devenu une vraie force dans les pays du Sud confrontés à des crises profondes. l'ouvrage est un hymne à la débrouillardise : des entreprises agiles qui en Inde, en Chine, au Brésil ou en Afrique, ont réussi à transformer les contraintes en opportunités. Un grand ami à moi, Francis Pisani, m'avait déjà dit il y a deux ans, à la suite d'un passionnant voyage autour du monde centré sur l'innovation, que la "crise était une chance incroyable parce qu'elle stimule la créativité". Créer sous d'énormes contraintes, faire plus avec moins. Bricoler.

L'initiative de cette grande banque pourrait changer votre regard sur la crise et sur la communication
L'initiative de cette grande banque pourrait changer votre regard sur la crise et sur la communication

Un état d'esprit que l'on retrouve dans le Sud (l'Afrique et l'Inde, notamment) parce qu'ils n'ont pas le choix. C'est ce que démontre Francis Pisani depuis quelques années sur son blog, où il partage ses découvertes glanées lors de son voyage autour du monde de l'innovation, entamé en 2011.

La grande idée de Wave a donc été d'aller chercher cet état d'esprit, cette ingéniosité innovatrice, dans les pays occidentaux. Pas seulement de se contenter de voir comment le Sud pourrait inspirer le Nord.

"En Europe, l'innovation s'est construite autour de projets de recherche et développement longs et coûteux. Aujourd'hui, il faut être beaucoup plus souple, plus réactif. Il faut apprendre à 'bricoler'".

La bonne surprise, c'est qu'ils ont trouvé des projets à la pelle, notamment dans l'économie solidaire. Face à la crise, qui touche l'Europe de plein fouet, face à l'impuissance des gouvernements qui se trompent trop souvent d'enjeu, les projets alternatifs se multiplient, montés par des citoyens et des entrepreneurs qui ont décidés de se prendre en charge et de trouver des solutions.

L'expo a donc travaillé sur un manifeste de l'ingéniosité. Il repose sur 5 piliers :

- L'économie du partage : cette économie qui disrupte violemment les monopoles. Tout le monde a au moins loué une fois un logement à un particulier avec AirBnB (qui distribue aujourd'hui plus de chambres que le groupe Accor), loué une voiture ou fait du co-voiturage avec BlablaCar ou 123envoiture.com..

- La co-création : des citoyens qui, grâce à Internet, construisent des projets ensemble.

- Le mouvement des makers : des "bricoleurs" qui, souvent isolés chez eux, reprennent le pouvoir sur la technologie. Grâce aux imprimantes 3D par exemple, ils proposent par des pièces mécaniques dans l'industrie ou des prothèses adaptée à un cas de maladie très rare... "Autrefois, pour monter un projet d'entreprise il fallait des capitaux. Aujourd'hui, on peut monter une entreprise avec zéro".

- L'économie inclusive : ou comment faire en sorte qu'il n'y ait plus d'exclus. Comment l'économie et les grandes entreprises peuvent aider à réinjecter de l'activité dans le système en mettant à disposition des produits et des services peu chers. C'est le cas de Schneider Electric qui a créé des dispositifs dans les villages africains sans électricité pour aider les entrepreneurs.

- L'économie circulaire : comment on recycle pour réinjecter dans l'économie les déchets qu'elle produit etc.

Et je ne parle pas de la science citoyenne, ce concept complètement iconoclaste qui permet à des individus biberonnés à l'Internet et à des chercheurs d'innover ensemble pour trouver des solutions dans le domaine la santé, en dehors des circuits traditionnels. Disruption et flexibilité... De quoi redevenir optimiste et oublier les discours déprimants des politiques sur le chômage qui va remonter bientôt, c'est sûr, ou sur des projets de loi successifs auxquels plus personne ne croit.

En dehors du théâtre politique, les solutions foisonnent de partout. Et, sans tomber dans la démagogie facile, on a un peu le sentiment que, au vu de ce dynamisme, dont s'emparent quelques grandes entreprises, mais surtout les citoyens, les gouvernements sont complètement à la ramasse...

"Oui, à l'échelon national on peut penser que ça ne fonctionne plus. Mais l'échelon local devient de plus en plus important. Les élus locaux ont un rôle à jouer" (la ville de Paris est d'ailleurs partenaire du projet).

La ville, les fameuses smart-cities, mais des smart-cities qui impliqueraient l'humain, le citoyen, et cette fameuse ingéniosité collective qui se nourrit du web et de cette crise qui emporte le monde moderne dans des contraintes gigantesques. Et donc vers autant d'opportunités.

Présenté à l'expo Wave : La laiterie du berger, un projet d'entreprise qui permet à 800 bergers de se développer au Sénégal, soutenu par Danone Comunities.

Présenté à l'expo Wave : La laiterie du berger, un projet d'entreprise qui permet à 800 bergers de se développer au Sénégal, soutenu par Danone Comunities.

Et quel rapport avec une banque comme BNP-Paribas ? Au delà de participer à la réactivation ingénieuse de l'économie, la banque peut y trouver des sources d'inspiration pour se transformer. Un marketing de l'empathie, qui devient média et créateur d'événements et de réseau, c'est sans doute l'avenir de ce monde de la pub qui se cherche. Passer des Madmen aux Goodmen...

"Quand nous avons présenté le projet au comité exécutif de la banque, j'ai trouvé un accueil surpris et passionné". Ce type de projet nous apprend comment faire mieux avec moins, nous pousse à être plus ingénieux dans un monde de plus en plus contraint.

C'est tout le mal que l'on souhaite.

L'expo Wave, à découvrir le 9 septembre au Parc de la Villette à Paris. Le projet a été porté par Marie-Claire Capobianco, directrice des réseaux de BNP Paribas.

Renseignements ici.

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