Irma: les médias dans le chaos de l'information
Si vous avez échappé à Irma, vous n'avez sans doute pas échappé au tsunami d'informations (si j'ose dire) qu'il a entrainé sur son passage. Chaos d'informations, plutôt, à l'image de la situation sur place, hors-normes. Je ne sais pas si vous avez vu passer les vidéos live de ce résident de StMartin. L'un d'eux a été vu plus d'1,3 million de fois, partagée plus de 21000 fois. L'auteur de ce témoignage, Florent Letuvée, commence son direct en attaquant les médias, qui auraient masqué la réalité selon lui. Avant d'appeler les militaires à tirer à vue sur les pillards. Il dit cela en se présentant comme un ancien journaliste qui sait comment ça se passe entre les médias et les autorités (en fait, c'est un webmaster, mais il semble avoir écrit des articles pour l'hebdo StMartin News).
Je ne vais pas commenter le bon ou mauvais travail des journalistes sur le terrain, ni leur bonne ou mauvaise foi. Ce qui me frappe dans cette histoire, c'est qu'il suffit qu'un témoin sur place mette en cause les médias pour que, quelque part, ça paraisse "normal" de dire ça. Dans un chaos comme celui qui a frappé ces îles, où les rumeurs s'incrustent de partout, où même les informations officielles ont semblé parcellaires, éparpillées dans la folie du moment, c'est encore plus frappant.
En creusant un peu, on se rend compte d'ailleurs que les thèses les plus extrêmes concernant les pillages, et la volonté de masquer du gouvernement et des médias, venaient surtout des réseaux d'extrême droite.
Ce qui est frappant dans cette histoire ce n'est pas la qualité du travail des médias, c'est la rupture de confiance. Ce n'est pas nouveau. Mais c'est encore plus grave dans de tels drames.
Il y a une vraie confiance à retrouver. Et elle ne passe pas que le journalisme de qualité et de fond, la plupart du temps masqué derrière un mur payant, elle passe aussi par une autre façon de traiter le direct et donc la proximité, dans les événements. Notamment dans ce type d'événements. Je n'ai pas vu beaucoup de conversations, d'échanges entre médias et locaux sur les réseaux sociaux. J'ai vu surtout des articles racontant ce qu'il se passait sur les réseaux.
Il me revient en mémoire le contre-exemple de Nice-Matin. Durant les deux drames qui ont touché la région (les intempéries de 2015 et l'attentat de 2016), le lien créé entre le journal et les lecteurs (parfois très jeunes) sur les réseaux sociaux avait permis une couverture et une remontée de témoignages hors du commun via des groupes privés Facebook notamment. Le journal avait créé des groupes d'entraide qui avaient permis d'aider les habitants à s'organiser tout en vérifiant les fake news, et en faisant remonter des documents et témoignages exceptionnels sur ce qu'il se passait sur le terrain. Cette démarche s'est confirmée encore cet été.
Redonner la confiance dans les médias, c'est d'abord créer du lien. Et ça commence par une vision radicalement plus horizontale du traitement de l'information.