Benoît Raphaël

Pigeons entrepreneurs : au-delà de la politique, une certaine vision du monde de demain

2 Octobre 2012 , Rédigé par Benoît Raphaël Publié dans #pigeons entrepreneurs, #projet de loi de finances 2013, #entreprenariat, #just delivered, #weekly

J'ai un peu hésité avant de publier, à mon tour, un billet sur la fronde des "Pigeons". Le mouvement anti projet de loi de finances 2013 est parti comme une trainée de poudre après la publication, jeudi, du coup de gueule de Jean-David Chamboredon sur la Tribune (lire également son deuxième billet ici). Il se trouve que j'ai été par hasard dans l'échange de mails qui a précédé cette publication sur le site du quotidien écomique, que j'accompagne depuis le mois de jullet dans sa mutation numérique. Mais ce n'est pas la raison pour laquelle je me sens aujourd'hui, pour la première fois, profondément préoccupé par une mesure politique.

Quand je me suis lancé en 2010 dans l'aventure entreprenariale, j'ai découvert un monde passionnant. Pas facile, parce que devenir entrepreneur c'est abandonner la sécurité du salariat pour une autre forme de vie : plus trépidante, plus dangereuse, plus libre aussi.

Je me suis toujours refusé à mélanger business et politique. Je ne me suis jamais plaint.

J'ai toujours payé mes impots sans raler. Meme si je préfèrerais évidemment, comme tout le monde, en payer moins. Même si je fais toujours partie de cette frange de la population, la classe moyenne, qui n'a jamais bénéficié d'avantages particuliers. Je peux comprendre que la crise incite un gouvernement à demander un effort à chacun On me demande un effort, je participe. Je suis un citoyen sans histoires. Ce qui m'intéresse, c'est de créer de nouvelles façons de s'adapter au monde qui change, de créer de la valeur en période de crise, d'y ajouter un peu d'humanisme et de sens tout en gagnant de l'argent pour pouvoir continuer de créer, mais aussi pour bien vivre.

Je suis un optimiste et un homme heureux, je n'ai pas envie de rejoindre la horde des raleurs qui se plaignent sans arret des taxes et de l'Etat. Je fais mon métier, j'entreprends, les politiques font le leur. Nous ne sommes pas toujours d'accord, mais c'est la vie.

Ce qui me frappe dans cette mesure de "sur-taxation" de la plus-value, c'est qu'elle ressemble à un bug. Et comme je suis un optimiste et un calme, je me dis que le gouvernement va comprendre et faire un pas en arrière. Ce volet du projet de loi ressemble trop à un dérapage politique pour tenir dans un contexte de crise où l'on devrait laisser l'idéologie de coté, jouer la transversalité des idées de droit et de gauche pour inventer un nouveau modèle de croissance.

Le projet de loi de finances, s'il est voté en l'état, ne m'empèchera pas d'entreprendre. Mais il m'invite cependant à regarder ailleurs. Je n'ai pas attendu cette mesure pour le faire. Comme de nombreux représentants de la nouvelle génération, je me sens "Français mais pas que".

Je me sens Français de coeur, meme si souvent ce pessisme maladif et raleur de mes compatriotes m'agace. Raler demande de l'énergie. Et l'énergie devrait d'abord servir à trouver des solutions. Je me sens Français, mais je suis un enfant du monde. La crise à laquelle nous sommes confrontée est mondiale, les solutions sont mondiales, l'effort à faire doit nous pousser à penser la politique en réseau.

De la meme manère, mon terrain de jeu, celui du digital, c'est à dire l'économie de demain, est celui de la planète. Monter ma boite en France ou à l'étranger, c'est la meme chose pour moi. Je participe à l'effort mondial. Je n'ai aucune envie de fuir, mais je ne vais pas m'empecher de regarder ailleurs, parce que le monde de demain est un monde de mélanges et de réseaux.

Je fais partie de ces entrepreneurs qui ont ce sentiment de participer à l'effort anti-crise : j'ai attendu deux ans avant de me payer un salaire, qui n'est pas mirobolant. Si je me plante, je n'aurais pas de chomage. L'Etat ne me devra rien. Mais si je réussis, je devrais verser 3 fois plus d'argent à l'Etat qu'avant. Quand on passe d'une taxation à 19% à un prélévement pouvant atteindre 60%, ce n'est plus une simple participation à l'effort national. C'est un signal un peu idiot envoyé à ceux qui essaient d'inventer des solutions et de s'adapter.

Et quand on nous répond que la loi est censée favoriser les investissements à long terme, entendez 12 ans, je m'inquiète encore plus. Le monde de demain change tellement vite que 12 ans, dans mon domaine d'activité, celui du digital, celui de l'économie du futur, c'est déjà toute une vie. Cette vision à long terme est incompatible avec les réalités du moment. C'est sans doute ce qui m'inquiète le plus dans cette mesure : cette incapacité à embrasser les nouveaux mécanismes de l'économie : non plus des entreprises imposantes, homogènes et tentaculaires, non plus la concurrence, mais des entreprises en réseau, qui se font vivre les unes les autres pour créer de la croissance plutot que d'essayer de se manger entre elles.

Il y avait déjà un vrai problème d'entreprenariat en France : il est difficile de lever des fonds, il est difficile de prendre des risques, il est difficile de créer quelque chose de grand et de viser l'infini. Aujourd'hui, il y a une félure de plus : un pays qui ne parvient pas à se réinventer et se fragilise sur son idéologie, sur les grandes paroles vides de gouvernants qui ont moins de pouvoir que jamais. Et sur son arogance. Quand on sait que le seul lancement de l'iPhone 5 est capable de faire bouger le PIB d'un pays, on se dit que la France n'a pas compris grand chose dans la capacité qu'ont les entreprises innovantes à faire, elles aussi, bouger la crise.

J'ai horreur de fuir mes responsabilités, mais pour la première fois, je me demande sérieusement si l'herbe ne serait pas plus verte ailleurs. Et sinon plus verte, au moins plus exhaltante. Car ce qui pousse l'entrepreneur que je suis, ce n'est pas tant l'argent (c'est aussi l'argent) que cette absolue nécessité de créer et de créer encore.

C'est aussi un certain humanisme, une vision noble de l'Homme, que l'on préfère voir debout et créateur, plutot que mis à genoux par ses habitudes et ce traitre confort du pain et des jeux.

C'est toujours mieux que de raler contre l'Etat, son patron, ou je ne sais quel autre épouvantail, et de n'avoir plus que le loto pour rever.

A lire également, cette très belle tribune de Patrick Robin, "entrepreneur de gauche", sur le Huffington Post.

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