PRISM et espionnage : pourquoi il faut arrêter de rêver à la vie privée sur le Net
L'administration Obama surfe sur le scandale : son programme, PRISM (mis en place par Georges Bush, il faut le préciser), espionnerait des millions de citoyens dans le monde à travers des serveurs branchés sur Facebook, Google, Apple, Yahoo et autres géants du web. Même l'administration européenne est surveillée. La France aussi... mais beaucoup moins que l'Allemagne, ce qui est sans doute le plus blessant dans l'histoire !
Bref, Big Brother is watching us. Et à l'heure du "Big Data", le buzzword du moment, c'est à dire le traitement et l'analyse intelligente de millions de données en temps réel, ce n'est pas près de s'arrêter.
Il y a cependant deux grandes hypocrisies, ou excès de candeur -choisissez le terme qui vous convient, dans cette affaire de surveillance.
1. Il y a évidemment beaucoup d'hypocrisie dans la réaction outragée de l'Etat français. L'espionnage a toujours existé, et la France aurait sans doute fait la même chose si elle en avait eu les moyens. L'Etat déploie d'ailleurs déjà des moyens pour surveiller Internet. Le problème, c'est que la France ce n'est pas les Etats-Unis. Les géants de l'Internet sont tous américains. Et même si l'on peut essayer de croire à leur bonne foi, ces sociétés restent américaines. Les liens restent très forts.
On pourrait d'ailleurs se dire que si une politique ambitieuse sur le numérique avait été lancée il y a quelques années peut-être que nous serions mieux armés pour affronter le monde qui vient. Pour l'instant, une start-up big data a plus intérêt à s'installer aux Etats-Unis pour lever des fonds que de rester en France.
2. Au delà de ce détail diplomatique, reste la question de la protection de la vie privée des citoyens. Et là, soyons réalistes : il faut abandonner aujourd'hui le mythe selon lequel il y aurait une vie privée sur Internet.
Sur Internet, considérez que tout ce que vous faites est public. Parce que c'est le cas. Tout y est inscrit. Même un pleur. Rien de s'efface véritablement. Et le système qui s'est construit au fil des ans, à la façon d'une toile organique et vivante est suffisamment incontrôlable et percé pour laisser tout espoir d'installer des verrous définitifs et efficaces.
Je ne dis pas qu'il ne faut pas agir pour préserver la vie privée des internautes et lutter contre la surveillance en temps réel de vos faits et gestes sur la toile.
Il faudra certainement travailler, au plan international, à la constitution d'un "Privacy Act", étape importante et cruciale, autant que l'a été la déclaration universelle des droits de l'homme après la révolution française.
C'est d'autant plus critique que, de plus en plus, tout ce que vous faites dans la vraie vie trouve son fantôme sur la toile. Et ce que vous faites en dit plus sur vous que vous mêmes ne pourriez le faire, même avec l'aide d'un psy.
Cependant, il ne faut pas se leurrer. Il ya aura toujours des failles et toujours des technologies de surveillance. Et les progrès faits dans la reconnaissance des visages, du son et des formes, ou encore les Google Glass et autres bracelets intelligents nous entraîne vers un monde augmenté dont la couche cognitive sera toujours accessible et renseignera ceux qui cherchent sur la planète et ses habitants.
Trendsboard, la start-up que j'ai montée avec Jean Véronis, traite ce genre de données et leur donne du sens, je sais donc de quoi je parle. Nous avons une éthique, mais tout le monde n'est pas comme nous. Et, quoi qu'il en soit, il y aura toujours des trous dans la grande muraille numérique.
Et rien ne dit que certaines données que nous ne pouvons pas traiter aujourd'hui ne le seront pas dans quelques années.
Alors que faire ?
En attendant un éventuel et faussement salutaire "privacy act", faut-il quitter Internet ? Bien spur que non. Internet est une grande avancée pour l'humanité. Elle augmente notre capacité à grandir, connaître, rencontrer. Par contre, il faut abandonner tout fantasme de "vie privée" sur le Net.
Tout ce que vous écrivez, par mail ou message privé, toutes vos conversations skype, vos statuts Facebook réservés à vos amis, vos tweets, les photos prises en soirée, même "détaguées", tout cela constitue une information aux multiples visages qui, un jour où l'autre, avec l'avancée des technologie et la croissance du réseau, pourra être récupérée.
Il faut juste le savoir.
Et apprendre à vivre dans ce nouveau monde où tout est public.
Pour tout le reste, il y a la vraie vie.