Benoît Raphaël

USA Vs France : deux discours de la crise

22 Janvier 2013 , Rédigé par Benoît Raphaël Publié dans #barack obama, #françois hollande, #crise, #entreprenariat, #weekly

Barack Obama a un don pour les discours. François Hollande un peu moins. Mais quand on compare les deux discours d'investiture, à quelques mois d'intervalle, des deux présidents, ce n'est pas seulement la différence de style (assumée des deux côtés d'ailleurs) que l'on note, mais une approche radicalement différente de la crise et du temps présent. Au moins dans le discours. Mais on connait le poids des grands discours quand ils savent porter le souffle d'un pays pendant les crises.

Sur les droits, la liberté, les valeurs, l'anti-racisme et l'environnement, le discours d'Obama surpasse largement celui du président français. Mais ce n'est pas une surprise.

Sur la crise, par contre, la différence est plus subtile. Mais elle est de taille.

Voici un extrait du discours de Barack Obama, hier soir, à propos de la crise et de l'avenir :

This generation of Americans has been tested by crises that steeled our resolve and proved our resilience. A decade of war is now ending. An economic recovery has begun. America's possibilities are limitless, for we possess all the qualities that this world without boundaries demands: youth and drive; diversity and openness; an endless capacity for risk and a gift for reinvention. My fellow Americans, we are made for this moment, and we will seize it — so long as we seize it together.

Tricities.com

Et voici le même passage, version François Hollande. J'oserais dire : version française. Car ce n'est pas tant le personnage que je vise, le précédent président n'a guère été plus enthousiasmant, mais un certain état d'esprit français qu'il incarne.

Je mesure aujourd'hui même le poids des contraintes auxquelles notre pays fait face, une dette massive, une croissance faible, un chômage élevé et une compétitivité dégradée et une Europe qui peine à sortir de la crise.

Mais je l'affirme ici : il n'y a pas de fatalité dès lors qu'une volonté commune nous anime, qu'une direction claire est fixée et que nous mobilisons pleinement nos forces et les atouts de la France.

Ils sont considérables, la productivité de nos travailleurs, l'excellence de nos chercheurs, le dynamisme de nos entrepreneurs, le travail de nos agriculteurs, la qualité de nos services publics, le rayonnement de notre culture et notre langue, sans oublier la vitalité de notre démographie et l'impatience de notre jeunesse.

Les Echos

Au premier coup d'oeil, la réthorique semble la même : "c'est la crise, j'en suis conscient, mais il y a de l'espoir, notre pays a des atouts, blabla...".

Pourtant, si vous faites bien attention, vous noterez que tout est différent. Tout est dans l'emploi des temps.

Chez Obama, la crise est conjuguée au passé, la prospérité au présent. C'est une dynamique.

"Cette génération d'Américains aura été éprouvée par la crise qui armé/renforcé notre détermination et prouvé notre résilience. Une décénie de guerre est derrière nous. Le rétablissement de l'économie a commencé."

En France, la crise plombe le présent (sous entendu n'attendez rien de moi pendant quelques mois) et s'attarde paresseusement sur l'avenir : "croissance faible, compétitivité dégradée, Europe qui peine à sortir de la crise..."

L'avenir ? Hollande dresse une liste à la Prévert des atouts de la France sur lesquels se fonde l'effort.

Obama n'espère pas, il "sait". En pariant sur la prise de risque et la transcendance. "Une infinie capacité à prendre des risques et un don pour se réinventer"

Un discours dont tout entrepreneur devrait s'inspirer : nous ne sommes pas dans l'ornière, nous en sortons déjà, et nous le faisons parce que nous savons prendre des risques.

Ce n'est certainement pas pour une improbable taxe à 75% ou la taxation de la plus-value que les entrepreneurs français, les jeunes notamment, lorgnent vers l'étranger. Pas parce que l'herbe est toujours plus verte ailleurs. Elle l'est toujours. La fuite n'est jamais une solution. S'ils regardent ailleurs c'est parce qu'il se veulent résolument optimistes. Et que l'air déprimé de la France, qui s'infiltre partout, impose parfois au dynamisme des effluves aussi toxiques qu'un nuage radioactif.

Il ne s'agit pas de quitter la France, l'idée est absurde : le monde est devenu planétaire. Mais je sais combien le pessimisme, spécialité française, peut faire mal, combien le rejet et la peur de l'échec, la défiance vis à vis de l'entreprise, peut clouer les plus beaux projets au sol. Ce pessimisme étroit ni de droite ni de gauche, il est plutôt cullturel. Il n'est pas partagé par tous les Français fort heureusement, et la génération qui vient, la "petite poucette" comme l'appelle Michel Serres, a encore son mot à dire pour aider la France à changer de vision. Ouvrir les horizons, dans un monde plus instable, mais tellement plus passionant.

"Une infinie capacité à prendre des risques, un don pour se réinventer" : de jolis mots à incarner en France.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :