Benoît Raphaël

Lecture connectée

5 Mars 2011 , Rédigé par Benoit Raphaël Publié dans #Daily, #just delivered

Je viens de faire une expérience étrange. En lisant un roman sur mon application Kindle pour iPad, j'ai découvert, dans une page, une partie du texte soulignée. J'ai cliqué dessus (vieux réflexe:quand c'est souligné, je clique) et un message est apparu : ce passage a été souligné par 6 personnes. C'est la première fois pour moi que la dimension sociale de la lecture vient s'immiscer dans un roman. Je ne sais pas grand chose de ces 6 personnes, si ce n'est qu'elles ont trouvé ce passage intéressant. Et que je peux, si je le souhaite, désactiver cette fonctionnalité qui me permet de partager avec le monde entier une activité qui, depuis toujours, a été pour moi une expérience solitaire. C'est d'ailleurs l'un des attributs et l'une des vertus des livres : le lecteur est seul face à l'oeuvre, il s'y plonge, mêle l'univers de l'auteur à ses propres projections imaginaires. Il y aura peut-être demain des lecteurs sociaux, comme il y a aujourd'hui des joueurs sociaux, qui se battent en live sur Call of Duty avec des amis inconnus sur Playstation 3, à côté de joueurs solitaires qui préfèrent l'exploration individuelle de l'oeuvre vidéoludique, "à l'ancienne". Cette expérience avec le Kindle me rappelle d'ailleurs un jeu vidéo peu connu du grand public mais qui est déjà culte chez les hardcore gamers : "Demons' Souls". Le parcours est solitaire, mais le jeu, connecté à Internet, permet à chaque joueur de laisser des traces de son passage pour prévenir celui qui passera à son tour par le même chemin: un piège à éviter, une pièce à découvrir. On ne joue pas à plusieurs, mais on reste connecté pour partager son expérience de jeu et enrichir celle des autres. Cette entrée dans le réseau depuis le lecture d'un livre est aussi perturbante qu'excitante. Elle ouvre de nouvelles perspectives de lecture et d'interaction avec le contenu. Pour l'instant, Kindle vous permet juste de savoir que X personnes ont apprécié ce passage, sans savoir de qui il s'agit. Mais imaginons le même roman connecté à Facebook par exemple. Je pourrais laisser des notes au fil de ma lecture, comme autant de cailloux blancs pour partager avec mes amis les passages qui m'ont marqué, mais aussi les réflexions, les questions qui m'ont été inspirées. Tout ça de façon asynchrone, puisque l'on ne lit pas au même moment. Pouvoir partager nos réflexions, émotions, connections avec d'autres oeuvres, fait entrer le livre dans une dimension encore inexplorée. Le livre devient lui même une toile d'idées, d'inspirations parallèles qui l'augmentent socialement. Déjà, la lecture sur Kindle offrait une nouvelle expérience : l'accession directe à un dictionnaire pour comprendre le sens des mots ou des idées, la possibilité d'annoter et de sauvegarder des extraits du livre. Demain, je pourrais vivre une expérience de lecture partagée, ou permettre à mes amis d'avoir accès à une sélection (je n'ose pas dire "curation") des passages essentiels d'un livre qu'ils n'auront pas le temps de lire. C'est déjà une révolution. (Le roman en question est "Our Tragic Universe" de Scarlett Thomas)
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :