Benoît Raphaël

AOL rachète le Huffington Post : bonne ou mauvaise nouvelle ?

7 Février 2011 , Rédigé par Benoit Raphaël Publié dans #Daily, #just delivered, #AOL, #content farm, #demand media, #The Huffington Post

En apprenant ce matin le rachat du magique Huffington Post par le mastodonte AOL ma première idée de titre a été : le début de la fin ? Mais il semble que le Guardian ait eu la même idée. Si j'avais été Arianna Huffington, peut-être me serais-je contentée de profiter de l'aubaine. Et quelle aubaine ! 315M$, c'est la plus belle valorisation d'un pure-player d'informations dans l'histoire d'Internet. Qurtout si jeune. Un pure-player américain de "gauche" (démocrate) qui avait été lancé comme un gros blog en 2005 sur la base d'une première levée de fonds d'1M$. Le groupe Le Monde, magnifique marque historique, a été racheté pour trois fois moins... 315M$ c'est dix fois le chiffres d'affaires généré par  le Huffington Post (31M$). Rentable pour la première fois en 2010, comme annoncé, le média prodige prévoit tout de même de doubler ses revenus en 2011. Arianna Huffington ne va pas se contenter de vendre.  Au contraire, elle prendra la direction du contenu éditorial d'AOL. Tim Armstrong, le nouveau CEO d'AOL et elle-même, "partagent la même vision", a-t-elle déclaré. Une vision stratégique dévoilée la semaine dernière par Business Insider (ils ont même récupéré le doc powerpoint, visible ici) et que l'on peut résumer en quelques points :
  1. Le contenu éditorial est déterminé par la demande, c'est à dire le trafic potentiel qu'il peut générer. Une méthode utilisée par ce qu'on appelle les "content farm" (fermes à contenus) qui déclenchent la création d'un contenu par des rédacteurs en fonction des requêtes Internet sur le sujet.
  2. Le contenu éditorial est déterminé également par son potentiel de profitabilité.
  3. Les rédacteurs d'AOL ont un taux de rendement imposé : 10 articles / jour.
  4. Les articles doivent générer leur propre trafic sans avoir à passer par la homepage, c'est à dire essentiellement via le référencement ou la recommandation via les réseaux sociaux. Sachant qu'AOL est également prêt à payer pour booster de 5 à 10% le trafic des contenus les plus prometteurs.
  5. Le focus est mis sur le local
Une vision très efficace (surtout sur le local), comme le sont souvent les powerpoint des consultants, mais qui trouve plusieurs limites et ne me rendent pas très optimistes sur l'avenir du modèle disruptif du Huffington Post : - La mécanique du média à la demande et la mise en place de process stricts de productivité est sans doute intéressante sur une bonne partie de la production de contenus à faible valeur ajoutée comme le magazine et les loisirs. Elle est plus compliquée à tenir sur l'information générale et un certain nombre de concepts médias demandant une forte valeur ajoutée. Même d'un point de vue strictement marketing, les courbes de buzz sur Internet dépassent largement la simple mécanique de l'accélération systématique sur une ligne de requête forte, sur des seuls critères de productivité. Il doit y avoir de la surprise, du talent, de l'inventivité, du ton, de l'irrévérence parfois, autant que de la réactivité. Il doit aussi y avoir une logique d'offre. Le business du contenu sur Internet est complexe, plus complexe, plus surprenant surtout qu'une courbe powerpoint. - L'histoire montre que l'absorption de jeunes entreprises à forte valeur ajoutée (celle du Huffington Post relève de la qualité de sa sélection, de sa communauté d'experts, de sa mise en scène, de son ton et de sa capacité à innover) par des mastodontes aux process aiguisés mais à la créativité quasi nulle mène bien souvent à un plafonnement de sa progression. Sinon à l'étouffement. C'est un peu toute l'histoire de Yahoo. Bref, la bonne nouvelle pour AOL, qui accumule les faux pas depuis des années, c'est le Huffington Post et l'arrivée d'Arianna Huffington aux commandes du "content". Reste à savoir si l'inverse est également vrai... Si j'avais été la propriétaire du Huffington Post, j'aurais sans doute vendu, oui, mais récupéré mes 300 millions pour aller monter d'autres projets innovants...
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