Benoît Raphaël

Affaire DSK : une journée sans CSA ou sans Twitter ?

6 Juin 2011 , Rédigé par Benoit Raphaël Publié dans #Daily, #just delivered, #CSA, #DSK, #facebook, #Twitter, #réseaux sociaux

Aujourd'hui, il va falloir choisir : une journée sans Twitter à la télé. Ou une journée sans CSA. Après avoir donné aux Américains une nouvelle raison de se moquer de la France, le CSA n'est pas revenu sur sa décision d'interdire aux chaînes de télévision et de radio de renvoyer les internautes sur Twitter ou Facebook ou de simplement citer des comptes Twitter comme source d'information. Je le rappelle pour ceux qui n'auraient pas suivi : désormais, selon le Conseil supérieur de l'Audiovisuel, les médias devront désormais dire "réseaux sociaux" à la place de Twitter ou Facebook.

Nous verrons cet après midi si la consigne sera appliquée ou non. La couverture de l'audience de DSK à New York avait donné lieu, lors des deux premières séances, à de nombreuses citations de comptes Twitter, le réseau social étant devenu le média le plus réactif pour couvrir en temps réel l'événement.

Suivre les consignes du CSA va donc relever du contorsionnisme.

DSk et Anne Sinclair

A BFM-TV et RMC, les rédactions n'ont pas reçu de consigne particulière : "C'est de l'info, pas de l'auto-promo", estime Geoffrey La Rocca, responsable digital chez RMC. "Par contre, les consignes sont de citer le nom du journaliste pas de dire : 'selon Twitter'. Et on va certainement plus renvoyer vers le site rmc.fr".

Twitter est une plateforme. La source, c'est un auteur identifié via Twitter, pas Twitter lui-même. Une règle de bon sens.

Chez LCI, on s'en tient à la lettre de la décision du CSA telle qu'elle a été publiée le 27 mai. Cette dernière se bornait à considérer comme de la publicité clandestine un renvoi vers une page d'émission de la chaîne sur Facebook ou Twitter. Il n'y aura pas de consigne particulière, me confirme donc Laurent Drezner, directeur de la rédaction de LCI : "Citer twitter comme nous l'avons déjà fait pour rendre compte des audiences de DSK continuera à se faire".

Mise à jour 08/06 : Sur le Figaro, le CSA a nuancé ses propos : “Lors de la citation à l’antenne de messages mentionnant Twitter, on n’est plus dans de la publicité, mais dans une mission d’information. Dans ce cadre-là, on regardera évidemment les choses avec plus de distance”.

En mettant le doigt sur un sujet complexe, le CSA a tout mélangé et s'est trompé de débat. Avant d'être des marques, Facebook et Twitter sont devenus des espaces publics. C'est là que se trouvent les internautes, qu'ils échangent des infos et se rencontrent.

C'est sur Facebook qu'ils passent le plus de temps lorsqu'ils sont en ligne, rappelle Jacques Attali dans l'Express cette semaine. "Il suffit de taper les hashtag (mot-clé) « csoj » (« Ce soir ou jamais ») ou« onpc » (On n'est pas couchés ») sur Twitter pour voir défiler les commentaires en direct sur deux des émissions qui font réagir et débattre", insiste de son côté Pierre Haski sur Rue89.

Le débat n'est pas de savoir si les télévisions citent des marques ou pas. Elles citent des espaces d'échanges publics, il est absurde de les en empêcher. Non, le débat est ailleurs, et il ne concerne pas le CSA. On peut effectivement s'interroger sur cette nouvelle réalité : le fait que des espaces et des outils citoyens dominants soient aujourd'hui la propriété d'entreprises privées internationales.

Faut-il en avoir peur ? Quelles garanties de respect des libertés pourra-t-on demander à ces entreprises lorsque non plus 10% comme aujourd'hui mais 20, 30% de la population mondiale dépendront de leurs services pour échanger avec leurs proches ou d'autres citoyens ?

L'autre question qu'il faut se poser concerne la France, que l'on voudrait terre d'innovation, pas seulement terre d'idées et de polémiques. Créer, innover sur le web, c'est certes possible en France, mais c'est moins facile qu'ailleurs. Ce n'est pourtant pas qu'une question de puissance économique. Le web coûte moins cher que de nombreuses autres industries. C'est une question d'environnement économique et légal, c'est aussi une question d'état d'esprit. Facebook, Twitter, Google, Apple, Amazon... tous ces "petits" devenus grands, qui aujourd'hui modèlent l'écosystème de l'information et des usages du futur, sont américains.

Aucun d'entre eux n'est français. Nous, en France, on a le CSA.

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