Benoît Raphaël

La success story de Storify

30 Juin 2011 , Rédigé par Benoit Raphaël Publié dans #Weekly, #just delivered

On dit souvent qu'être journaliste c'est savoir raconter des histoires. Aux Etats-Unis, d'ailleurs, on ne dit pas sortir une info, mais to "write a story". Xavier Damman pense que ce métier n'a pas changé. C'est juste le terrain qui a changé. Un peintre peut créer avec de l'acrylique ou de la terre, le journaliste peut prendre son calepin est descendre dans la rue. Mais sur Internet, où bascule l'économie, les médias et une partie de la vie sociale, où l'information est aujourd'hui éclatée en milliards de témoignages citoyens, photos, tweets et vidéos, le journaliste n'est pas obsolète. C'est le calepin qui l'est. Xavier a donc inventé un nouveau calepin. Il s'appelle Storify. Et l'histoire de sa naissance fait partie de ces belles success story qui font rêver tous les passionnés d'infos et d'Internet. Xavier Damman est belge, et nous avons pris une bière ensemble mardi dernier à l'occasion de l'un de ses rares passages en Europe. Cet ingénieur développeur vit aujourd'hui dans la Silicon Valley, qu'il a rejoint en 2008 presque sur un coup de tête, avec sa petite amie et quelques économies en poche. Le reste se lit comme un feuilleton, qu'il a d'ailleurs commencé à raconter en utilisant Storify. Des mois de galère, de colocation, de codage acharné, de tentatives compliquées de rencontrer des investisseurs, simplement de se faire reconnaître comme quelqu'un de sérieux. Un jeune ingénieur se rend à la Silicon Valley comme une jeune actrice part à Hollywood.  La tête pleine de rêves. Pour Xavier, le rêve s'est concrétisé. Après un premier investissement de 10.000$ qui lui permet de créer Storify avec Burt Herman, ancien journaliste de l’agence de presse américaine Associated Press (AP), il touche son premier jackpot : il lève 2 millions de $. Aujourd'hui, Storify est utilisé par 18 des 20 plus grands sites d'infos américains. Sa souplesse d'utilisation a rapidement séduit les journalistes un peu aguerris, ceux qui ont compris que l'info pouvait se trouver sur Internet. Que Twitter, Facebook, Youtube et FlickR pouvaient être un terrain d'investigation, au moins de récolte d'info, à condition de faire son métier de journaliste. "Rien n'a changé", souligne Xavier, "c'est toujours la même chose. Recueillir des témoignages et des documents, les vérifier, les mettre en forme pour raconter une histoire. Sauf que le terrain est sur Internet." Pendant les révolutions arabes, les réseaux sociaux ont été envahis par des centaines de témoignages directs, sous forme de tweets, de photos ou de vidéos. Une matière brute d'une grande richesse pour celui qui savait trier. Xavier Damman : "Tout le monde peut être reporter mais tout le monde n'est pas journaliste". Storify permet de chercher l'info, grâce à un outil intégré ou directement depuis son navigateur, puis d'envoyer les briques d'infos que l'on ramasse dans une page article modulaire. L'article, ici, est conçu comme un légo : il se construit en temps réel, on ajoute ici un tweet, là une vidéo YouTube, on relie les deux avec du texte, on raconte, on peut changer la vidéo de place, chaque brique peut être déplacée. Et l'article, une fois terminé (mais est-il jamais terminé ?), peut ensuite être intégré sur n'importe quelle autre plateforme : site, blog, tumblr... Légo et bohème... Plus amusant, vous pouvez aussi présenter votre histoire sous forme de diaporama : le même article, plusieurs présentations, il suffit de rajouter "/slideshow " ou  "/kenburns " à la fin de l'URL de l'article. Comme ici : - http://storify.com/heraldsuneye/creepy-fog-blankets-melbourne (version normale) - http://storify.com/heraldsuneye/creepy-fog-blankets-melbourne/slideshow (version diaporama) - http://storify.com/heraldsuneye/creepy-fog-blankets-melbourne/kenburns (version... artistique !) Storify a été développé en javascript, un vieux langage, très controversé, qui connait depuis quelques mois un véritable retour en force sur le web. Le modèle économique ? Il n'y en a pas pour l'instant. L'objectif de Xavier (et de son investisseur) est d'abord d'évangéliser au maximum la plateforme pour créer un nouveau standard d'écriture. Une stratégie à la Twitter. Reste à savoir si la plateforme connaîtra le même succès. En version béta publique depuis le début de l'année, Storify compte aujourd'hui 50.000 utilisateurs. Mais s'il est plébiscité par les journalistes, dont il célèbre la mission en la replaçant au coeur du web participatif et social, il peine encore à toucher le grand public. Pourtant, lorsque l'on explore les créations des "storifyers", on devine toute la richesse d'exploitation de cet outil simple : je peux raconter un événement, mais aussi raconter mon événement, ma vie, rassembler ce qui est épars, conserver une trace de ce que j'ai dispersé sur les réseaux... Une reconstruction du blogging. Histoire à suivre... A lire aussi sur la Social Neswroom : "Sacré article"
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :